A Washington, dans la National Portrait Gallery, l'un des nombreux musées Smithsonian de la ville, se trouve entre autres choses la galerie nationale des portraits qui lui donne son nom, qui l'eût cru.
Peu fréquentée par les touristes étrangers, elle arbore les portraits de tous les chefs d'Etat américains, bien sagement en rang d'oignon, par ordre chronologique. C'est une tradition très anglo-saxonne, les Anglais font ça avec leurs rois, les Français moins, étant plutôt enclins à les raccourcir qu'à leur tirer le portrait.
Anyway, c'est au début de l'année 2018 que le portrait officiel de Barack Obama est venu s'ajouter à la collection, et oh boy, a-t-il fait parler de lui... En réalité, ce n'est pas le premier portrait "moderne", au sens de non académique, de la galerie, ceux de John Kennedy et de Bill Clinton s'étant déjà écartés du modèle traditionnel.
Barack Obama a choisi un artiste américain d'origine nigériane (et ouvertement gay comme ils disent là-bas),
Kehinde Wiley, qui est connu pour peindre des portraits de gens ordinaires, noirs ou métis, dans les positions héroïques où l'on ne voit d'habitude que des blancs, rois et empereurs à cheval, saints et évêques sur des vitraux. En 2016, une exposition Kehinde Wiley intitulée "
Lamentations" au Petit Palais à Paris montrait dix oeuvres monumentales inspirées de l'art religieux.
Le problème, c'est que Barack Obama était déjà glorieux, et ne voulait pas des symboles classiques de la puissance, même détournés ou ironiques. Comme il l'a dit lui-même, "j'ai assez de problèmes politiques sans qu'on me fasse ressembler à Napoléon !".
En effet, un fameux portrait de homeboy inspiré du tableau de Jacques-Louis David
Bonaparte franchissant le Grand Saint-Bernard peut être admiré au musée de Brooklyn, portant un pantalon de camouflage, un t-shirt et un bandana blancs, et des chaussures de marche Timberland aux pieds.
Incidemment c'est ce même tableau de David, ou tout au moins ce même cheval qui a été peint par Banksy à Paris le mois dernier, mais c'est une autre histoire.
Or donc point de cheval, de sabre, d'aura ni de goupillon pour Barack, mais une chaise sur fond de végétation fort verte et kitch avec des petites fleurs, sur laquelle il semble superposé, presque en lévitation.
Le message est-il écologique ? Regardez bien ces jolie feuilles vertes car bientôt vous n'en aurez plus ? Pas seulement, car à y regarder de plus près, les exégètes ont identifié les fleurs en question.
Les fleurs bleues ou mauves que l'on voit en bas sont des
agapanthes, appelées en anglais lis du Nil ou lis d'Afrique, censées évoquer l'origine kényane du président. En réalité ce sont des plantes originaires non pas du Kenya mais du cône sud de l'Afrique ou elles sont endémiques, Afrique du sud, Lesotho, Swaziland et Mozambique, mais bon il est pas botaniste non plus Kehinde. Le mot agapanthe vient du grec
agape, l'amour, et
anthos, le fleur, c'est tout-à-fait délicieux.
Le Pikake, appelé jasmin arabe, est une espèce de jasmin qui n'est pas du tout d'origine arabe, mais qui paraît-il prospère à Hawaii, où Barack a passé sa jeunesse, comme chacun sait. Le jasmin arabe, de son nom latin
jasminum sambac, est né dans l'Himalaya, puis il s'est répandu en Inde et en Chine où il a parfumé le thé et les belles dames, puis a conquis toutes les zones tropicales humides.
C'est la fleur nationale des Philippines, sous le nom de sampaguita. Les Perses et les Arabes raffolaient de l'essence de jasmin, c'est pourquoi la plante porte encore le nom de sambac qui vient de l'arabe médiéval
zampaq, qui signifiait huile de fleur de jasmin.
Le chrysanthème est la fleur officielle de la ville de Chicago, et je vais tout de suite vous épargner les remarques narquoises sur le taux de mortalité par homicide de Chicago puisque le chrysanthème n'est pas aux Etats-Unis, comme en Europe, associé aux cimetières.
Enfin, le président est représenté dans une tenue relativement décontractée, le col de sa chemise ouvert, et le buste légèrement incliné vers le spectateur, dans une posture avenante qui contraste avec la cambrure habituelle des personnages importants, comme Napoléon, justement.
Mise à jour en novembre 2018 : je découvre cette photographie de Nelson Mandela prise par Micheline Pelletier en 1999. Le prix Nobel de la paix est assis sur une chaise aux pieds contournés, dans le jardin de sa maison à Johannesbourg, sur un fond de haie feuillue et fleurie.
Coïncidence ? I don't think so...
Les droits appartiennent à l'agence Sygma et la photo est en ligne sur
le site de l'Assemblée Nationale.
Sources :