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mardi 15 octobre 2013

Les roses d'Héliogabale



Lawrence Alma-Tadema, de son vrai nom Lourens Alma Tadema, naît dans une famille néerlandaise aisée. En 1852, il intègre l'Académie d'Anvers et devient l'élève de Gustave Wappers, puis de Nicaise de Keyser. Tous deux sont proches du mouvement romantique, et de Keyser, en particulier, encourage ses élèves à peindre des sujets historiques.

En 1862, il se rend à Londres pendant l'Exposition universelle. Lorsqu'il visite le British Museum, il est très impressionné par la collection d'objets égyptiens et particulièrement par la frise du Parthénon, ce qui influencera considérablement son œuvre par la suite.

En 1863, il épouse une Française, Marie Pauline Gressin de Boisgirard, et découvre l'Italie lors de leur voyage de noces. Alors qu'il avait prévu d'y étudier l'architecture des églises primitives, il tombe sous le charme des ruines de Pompéi. Il en rapportera une impressionnante collection de photographies qui lui servira de documentation pour ses toiles à venir, représentant pour la plupart des scènes de la vie courante durant l'Antiquité. Plus tard, sa grande habileté à reproduire l'architecture antique lui vaudra le surnom de «peintre du marbre».

De retour d'Italie, il s'installe à Paris où il rencontre le célèbre marchand d'art belge Ernest Gambart, qui l'encourage dans la voie qu'il a choisie et lui commande une vingtaine de toiles pour sa galerie londonienne. Le succès est immédiat.

Craignant une invasion prussienne, il quitte la France, tout comme Monet et Pissarro, et s'installe à Londres en 1870. Les expositions se succèdent, lui assurant un immense succès, aussi bien en Europe qu'aux États-Unis ou en Australie, pays où de nombreux prix lui sont décernés. En 1876, il devient membre de l'Académie Royale et en 1899, il est anobli par la reine Victoria.

Un temps associé aux pré-raphaélites, Alma-Tadema, plus tard qualifié de pompier ou de kitsch, connut le succès en nourrissant la fascination de la bourgeoisie victorienne pour la représentation fantasmée de la décadence romaine.

Les roses d'Héliogabale, tableau monumental de 132 x 214 cm, représente sous ses apparences miêvres une scène cruelle : il s'inspire d'une anecdote rapportée par l'histoire ancienne. Héliogabale, éphémère empereur romain du IIIème siècle, dont l'histoire a retenu l'extravagance, la débauche et la prodigalité, organise le plus raffiné des supplices en noyant ses convives sous un torrent de fleurs.

Etendu sur un couche de nacre et d'argent, habillé d'or, l'empereur contemple la scène avec indifférence, tandis que ses invitées semblent s'en amuser. Le peintre se serait représenté sous les traits de l'homme en vert à droite du tableau. Le visage d'Héliogabale est inspiré du portrait sculpté qui se trouve au musée du Capitole à Rome. On retrouve la culture classique et le souci d'exactitude du peintre dans les éléments d'architecture en marbre et la statue de bronze à l'arrière-plan, copie d'une statue romaine en marbre qui se trouve au Vatican et représente Bacchus et Ampelus.

Au premier plan, les courtisans sont submergés par l'avalanche de roses . Plus de deux mille pétales sont représentés sur la toile. La perspective donne au spectateur l'impression de partager le sort des invités. Ceux-ci ne semblent pas très inquiets, distraits par le luxe et la volupté de la scène, encore ignorants de leur sort. Le traitement somptueux qui dissimile un crime terrible, donne à l'oeuvre une ambiguïté morbide.

Le tableau, exposé à Londres en 1888, fut acheté par le riche ingénieur John Aird pour orner le salon de son épouse. Il fait encore aujourd'hui partie d'une collection particulière à Mexico, mais on peut le voir au Musée Jacquemart-André à Paris, dans l'exposition "Désir et volupté à l'époque victorienne" jusqu'au 20 janvier 2014.

Sources
Wikipedia
http://desirs-volupte.com/fr/les-roses-dheliogabale/?theme=1
http://www.musee-jacquemart-andre.com/sites/default/files/beaux-arts_1.pdf

mardi 20 août 2013

Anonymous et le masque

Je ne veux pas parler de l'association Anonymous, qui est un sujet fascinant très bien traité par le documentaire "We are Legion, the story of the Hacktivists". Pour ceux que ça intéresse, on le trouve très facilement sur internet, sous-titré en diverses langues.

Non, ce qui m'intrigue c'est le symbole d'Anonymous, le masque dit de Guy Fawkes. Pourquoi ce masque en plastique blanc, ce sourire interlope, cette moustache à la d'Artagnan ? Et qui est Guy Fawkes ?

L'histoire commence le 5 novembre 1605, lorsque Guy Fawkes est arrêté dans les sous-sols de la chambre des Lords, alors qu'il s'apprête à faire exploser 36 barrils de poudre.
Fawkes est loin d'être un révolutionnaire, c'est un fils de bourgeois protestants du Yorkshire, converti à un catholicisme homicide par son éducation à l'école Saint Peter de York, semblerait-il. Il s'engagea dans diverses armées catholiques et pourfendit les protestants aux Pays-Bas et en Espagne, avant de retourner en Angleterre pour ourdir l'assassinat du roi. Cet événement est connu dans l'histoire et la petite histoire anglaises sous le nom de "conspiration des poudres".

Au lieu de creuser un tunnel sous la chambre des Lords, ce qui est long et salissant, Fawkes et ses complices trouvèrent à louer une cave sous le bâtiment, comme c'est pratique. Fawkes étant l'expert en explosifs, c'est lui qui était dans la crypte avec la poudre. L'histoire ne dit pas s'il avait l'intention de survivre à l'explosion, ou s'il aurait plutôt dû être le patron des terroristes suicidaires : complot, guerre de religions, attentat, explosion, coup d'état... Ca me rappelle vaguement quelque chose, mais quoi ?

Après son arrestation, Fawkes fut abondamment torturé et condamné à mort. Il se tua en se jetant du haut de la plate-forme de l'échafaud plutôt que de subir sa condamnation à être "pendu, traîné puis écartelé".

Ce qui est sûr c'est que l'attentat (raté) de Guy Fawkes n'avait pas pour but d'instaurer la souveraineté populaire ou les lendemains qui chantent, mais de remettre sur le trône une dynastie papiste. Ceci dit, on comprend que l'idée de faire sauter toute la famille royale et une bonne partie de l'aristocratie d'un seul coup ait eu de quoi séduire quelques esprits tordus.

Guy Fawkes est devenu en Angleterre une sorte d'anti-héros folklorique. Tous les 5 novembre, la Guy Fawkes night, moitié carnaval, moitié Halloween, est une fête où les enfants promènent une effigie de Guy Fawkes en demandant "a penny for the Guy", que l'on brûle ensuite sur un bûcher, accompagné de feux d'artifice.

Pendant des siècles la fête a représenté un témoignage de loyauté envers la monarchie, une mise en garde du peuple contre l'ennemi intérieur, et aussi une manifestation férocement anti-catholique. Souvent l'effigie du pape était brûlée à la place de celle de Fawkes. A tel point que George Washington, alors commandant des forces américaines rebelles, interdit les Guy Fawkes nights par ordonnance du 5 novembre 1775, comme étant insultantes pour ses alliés canadiens.

Tout comme celle des mousquetaires, l'aventure de Guy Fawkes a inspiré de nombreux romans, chansons, poèmes et tableaux. Il est représenté avec un bouc, une moustache et un grand chapeau, ce qui était la mode de l'époque, et n'avait vraiment rien d'original, comme le montre le portrait de groupe ci-dessus.

Mais quittons le sanglant XVIIème siècle pour nous rendre en 1982 dans le Northamptonshire. Le génial et peu commode écrivain Alan Moore est en train de réfléchir à un scénario de bande dessinée pour le magazine Warrior, intitulé V. for Vendetta : dans un futur proche (1997 !), après une guerre nucléaire, le Royaume-Uni est un Etat policier dirigé par le parti Norsefire. V., un mystérieux révolutionnaire masqué, se dresse contre le gouvernement totalitaire.

Le dessinateur David Lloyd lui propose de faire de V. une réincarnation de Guy Fawkes ou quelqu'un qui adopte la personnalité de Fawkes. Son idée était, d'après son propre témoignage, de donner à V. l'apparence de l'effigie que l'on brûle pendant les Guy Fawkes nights.

Des costumes et masques de Guy Fawkes étaient vendus pour cette occasion dans les magasins de farces et attrapes, en même temps que les pétards et les feux d'artifice. Malheureusement c'était l'été, et David Lloyd n'en trouva nulle part, les magasins n'en avaient pas en stock avant le mois d'octobre. Lloyd dessina donc de mémoire une version stylisée du masque en question.

D'après lui le sourire est une sorte d'accident, il n'avait qu'un vague souvenir de ce à quoi le masque ressemblait, mais il se rappelait la moustache, ce qui lui suggéra cette espèce de sourire narquois.

26 épisodes de V. for Vendetta sont publiés dans le magazine Warrior de 1982 à 1985, date de la faillite de la publication. Entre temps Alan Moore avait été embauché par l'éditeur étazunien DC Comics, qui réédita et termina la série en couleurs à partir de 1988. La série a été publiée en français en 1989 et a gagné le prix du festival d'Angoulême du meilleur album étranger en 1990. Les droits sur la création originale appartiennent à Warner Brothers, propriétaire de DC Comics depuis 1969.

En 2006, la Warner produit une adaptation cinématographique de V. for Vendetta, écrite par les frères Wachowski, fameux scénaristes de Matrix. David Lloyd le trouve "merveilleux". Alan Moore le trouve "imbécile". Moore se fâche si fort avec Warner qu'il rompt toute collaboration avec DC Comics.

N'étant absolument pas fan de comics, et encore moins de films tirés de bandes dessinées, que je trouve en général d'une indigence intellectuelle pire que les films inspirés de roman, j'ai insisté pour voir ce film, l'année de sa sortie. Je m'en souviens très bien, j'étais à Madrid. J'avais lu une critique quelque part qui disait que le film n'était pas terrible, mais qu'il était "culturellement significatif". Significatif de quoi ? Ce n'était pas clair, mais cela m'avait suffisamment intriguée.

Je me souviens avoir trouvé le film plutôt pas mal (car je suis très bon public en fait, une fois assise dans la salle) sans être transcendant, esthétiquement très réussi (tu m'étonnes), et pas particulièrement intéressant. J'ignorais bien sûr tout ce qui s'était passé avant, sans parler de tout ce qui se passerait après... Boy ! Am I glad I have seen it now ! Et le critique qui a trouvé ce film "significatif" doit maintenant être vénéré par ses pairs comme un gourou !

Pendant ce temps, tout cela n'avait pas échappé aux merry hacksters d'Anonymous, fans de comics comme tous geeks qui se respectent, qui s'échangeaient des "memes" avec la figure de V. for Vendetta sur le forum 4chan. Lorsque Anonymous décida de lancer sa première grosse attaque à la fois sur internet et dans la vie réelle, c'était pour défendre youtube contre l'église de scientologie, en 2008.

Dans le film, une foule anonyme portant le costume de Fawkes représente le soulèvement de la population contre l'oppression.


C'est donc tout naturellement que le masque fut choisi par les manifestants venus protester devant les locaux de la scientologie dans tous les Etats-Unis, à l'appel de Anonymous. Le succès de la manifestation surprit les Anonymous, qui n'avaient jusque là aucune idée de combien de gens écoutaient leurs messages. C'est une belle histoire, qui est racontée en détails dans le film "We are Legion".

Comme d'habitude, the rest is history. Le masque est devenu le symbole de Anonymous, puis de Occupy Wall Street en 2011, puis de tout le monde protestant contre tout partout dans le monde.

Les auteurs Alan Moore et David Lloyd ont accueilli avec enthousiasme cette récupération, chacun dans leur style.

Alan Moore, dans son style anarchiste baroque inimitable (et intraduisible), a écrit en 2012 : "As for the ideas tentatively proposed in that dystopian fantasy thirty years ago, I'd be lying if I didn't admit that whatever usefulness they afford modern radicalism is very satisfying. In terms of a wildly uninformed guess at our political future, it feels something like V for validation."

Lloyd, qui montre dans les interviews une exubérance bon enfant, trouve tout ça "fantastique".
Il a rendu visite aux campeurs de Zucotti Park en 2011, à l'invitation d'auteurs de BD qui ont créé Occupy Comics, un groupe qui publie des comics inspirés par le mouvement Occupy. Deux numéros sont parus en 2012 sur internet, et le groupe s'enorgueillit de compter parmi ses membres à la fois David Lloyd et Alan Moore, ainsi que le monument vivant Art Spiegelman.

Encore une bien belle histoire. Mais moi, vous me connaissez, je suis pragmatique. Je voudrais aussi savoir d'où viennent les masques de Guy Fawkes.

Les ventes de masques de Guy Fawkes sont estimées à plus de 200.000 par an (seulement ceux qui sont fabriqués sous licence). Time Warner, la maison mère de Warner Bro., en tant que propriétaire des droits sur le design, encaisse une pourcentage sur chaque vente. L'ironie de la situation ne vous aura pas échappé.

Les masques sont fabriqués par Rubie's, la plus grosse entreprise de déguisements au monde. Rubie's est une société fondée en 1951 par Rubie and Tillie Beige (c'est leur nom) dans le Queens à New York sous le nom de Rubie's Candy Store, magasin de bombons et de farces et attrapes. C'est aujourd'hui une puissante multinationale qui appartient toujours à la famille Beige.

Déjà en 2011, Howard Beige (je ne m'en lasse pas) directeur exécutif de Rubie's, déclarait au New York Times vendre plus de 100.000 exemplaires par an de Guy Fawkes, comparé à environ 5000 exemplaires par an pour les autres masques. Il disait aussi que les masques étaient fabriqués "au Mexique et en Chine".

Hum, well, why not ? Tous les produits de consommation de masse sont fabriqués en Chine : les tours Eiffel en plastique, les bustes de Lincoln, les boules à neige du Taj Mahal. Les drapeaux à l'effigie de Che Guevara.

Nous savons déjà que les grossistes ne sont pas particulièrement adeptes de la transparence en ce qui concerne les conditions de fabrication de leurs produits. Et le reporter du NY Times n'a pas jugé opportun de poser la question à M. Beige.

Tout ce que j'ai trouvé sur internet est cette photo anonyme, elle aussi. Là encore, je vous laisse apprécier l'ironie.

Conclusion : le masque de Guy Fawkes est un symbole mondial de révolte populaire tiré d'un film à gros budget d'Hollywood, version abâtardie d'une bande dessinée britannique, elle même inspirée de très loin par une manifestation folklorique qui est le lointain souvenir d'un événement survenu en 1605. Ca c'est de l'histoire de la culture populaire...



Sources : 
Wikipédia, Wikimedia Commons
Interview de David Lloyd dans le International Business Times, 11 juin 2013
http://harpers.org/blog/2007/11/happy-counterterrorism-day/
http://www.findingdulcinea.com/news/on-this-day/November/Gunpowder-Plot-Foiled.html
Moore slams V. for Vendetta movie, Comic Book Resources, 23 mai 2005
Dozens of masked protesters blast Scientology Church, The Boston Globe, 11 février 2008
V for Vendetta and the rise of Anonymous, by Alan Moore, BBC news, 10 février 2012
Masked Protesters Aid Time Warner's Bottom Line, The New York Times, 28 août 2011
http://www.retail-merchandiser.com/index.php/reports/licensing-reports/676-rubies-costume-co-inc

dimanche 24 février 2008

L'athée et l'archevêque

Christopher Hitchens s'énerve après l'archevêque de Cantorbéry qui déclare avec une tout petit peu de provocation que l'Angleterre sera amenée à appliquer une partie de la Charia. Et puis quoi encore ? Un autre exemple montrant que les catholiques sont toujours plus enclins à fraterniser avec toutes les autres religions plutôt qu'avec les laïcs.

Articles parus dans Slate :

To Hell With the Archbishop of Canterbury
Rowan Williams' dangerous claptrap about "plural jurisdiction."
By Christopher Hitchens
Posted Monday, Feb. 11, 2008, at 12:27 PM ET


"....But now the archbishop of Canterbury, Rowan Williams, has cited the Beth Din as one of his reasons for believing that sharia, or Islamic law, can and should become a part of what he called "plural jurisdiction" in Britain. His reasoning, if one may call it that, is clear: Other faiths already have their own legal authorities, so why not the Muslims, too? What could be more tolerant and diverse? This same argument has been used already, and will be used again, to demand that laws governing "blasphemy," originally written to protect only Christians from being upset, should now, in a nondiscriminatory way, be amended to cover Muslims as well. The alternative—don't have any blasphemy laws and let religious people's feelings be hurt, just as the feelings of the secular are regularly offended by religion—doesn't occur to the archbishop and people who think like him...."


Un autre article édifiant de 2004 au sujet des cours religieuses d'arbitrage au Canada :

How Do You Solve the Problem of Sharia?
Canada grapples with the boundaries of legal multiculturalism.
By Dahlia Lithwick
Posted Friday, Sept. 10, 2004, at 5:55 PM ET
En France, les associations de défense des femmes dénoncent l'application des lois étrangères par les tribunaux de la République.
L’application de la charia en France
par Mimouna Hadjam, militante d’Africa à La Courneuve - 3 avril 2007
Pour prendre un peu de hauteur :
"Les grandes controverses sur l'universalité" sont le thème d'une somptueuse série de conférences gratuites à l'Université populaire du quai Branly, dirigée par Catherine Clément. Les conférences de l'année dernière sont en ligne. Ca me réconcilierait presque avec le Musée Chirac...