lundi 10 janvier 2011

Physique de la Comtesse

Au sein du CEA, Commissariat à l"Energie Atomique, que l'on ne présente plus, se trouve une noble institution qui s'appelle l'Institut de Recherche sur les Lois Fondamentales de l'Univers, ou IRFU pour faire moins impressionnant.


A l'IRFU travaillent, well, des physiciens, on suppose, ingénieurs et chercheurs qui m'inspirent le plus profond respect et une admiration craintive. On peut difficilement trouver des gens qui ont des préoccupations plus élevées, ou profondes, suivant le point de vue auquel on se place (astronomique ou quantique, en l'occurrence).

Maintenant laissez-moi vous présenter M. Joël Martin. Avec un nom pareil, pas difficile de maintenir une discrétion de bon aloi sur le net. M. Martin, ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure, est ingénieur en physique nucléaire et travaille à l'IRFU. Il a un petit peu un crâne d'oeuf, il a une belle cravate bleue, et vu comme ça sans être rencardé on lui achèterait presque une assurance-vie... (Si c'est bien lui, car avec internet on ne sait jamais.)

Tout change lorsque nous lisons sa bibliographie :

  • Le petit livre des contrepèteriesvol. 3, First, 2010
  • Le contrepet témoin de son temps, First, 2008
  • Le petit livre des contrepèteriesvol. 2, First, 2007
  • La contrepèterie, P.U.F., coll. « Que sais-je ? », 2005
  • Le petit livre des contrepèteriesvol. 1, First, 2005
  • La bible du contrepet, R. Laffont, coll. « Bouquins », 2003
  • Sur l'album de la Comtesse, Albin Michel, 1997
  • Le dico de la contrepèterie, Seuil, 1997
  • Le contrepêtisier, Presses de la Cité, coll. « Hors collection », 1992
  • Sur l'album de la Comtesse (1979-1987), Albin Michel, 1988
  • Manuel de contrepet, Albin Michel, 1986

Oui, vous l'avez reconnu, Joël Martin n'est autre que le rédacteur de l'Album de la Comtesse au Canard Enchaîné, et ceci depuis plus de 25 ans. Comme il a écrit à la fois le manuel, le dictionnaire, la bible et le Que-sais-je ? sur la contrepèterie, on peut en toute sécurité affirmer qu'il est le premier et seul spécialiste en France de l'art de décaler les sons.

Wikipédia, qui nous renseigne sur tout ce qui existe, sans compter une partie de ce qui n'existe pas, nous apprend que, de plus, il est clarinettiste à l'AFREUBO, Association Filharmonique (sic) des Résidants et Etudiants des Ulis, Bures et Orsay. L'AFREUBO existe en effet, et c'est une harmonie, pour ne pas dire une fanfare, comme en témoigne son logo.

En réalité, la carrière de chercheur fondamental de Joël Martin s'est arrêtée, d'après ses propres dires, avec celle de l'accélérateur linéaire de Saclay en 1990, et il se consacre depuis à la vulgarisation scientifique.
Il écrit des articles dans la revue ScintillationS, qui se propose de présenter et faire comprendre le travail de l'IRFU, noble ambition.

On ne peut évidemment pas s'empêcher d'imaginer que le lecteur de ScintillationS, attelé à la compréhension de l'interaction quark-gluon par exemple, voit sa concentration mise à mal par l'idée que quelque contrepet puisse se cacher dans le texte ! C'est horrible !
Rien de plus perturbant en effet qu'une phrase qui ressemble à une contrepèterie sans en être une.  (Par exemple dans cet article il n'y en a pas, ou à peine une ou deux...) Ca détourne tellement l'attention  que vous ne pourriez même pas saisir le sens de la liste des courses, sans parler de physique quantique.
Et en plus, le pire, c'est qu'il y en a !
Des contrepèteries.
Dans ScintillationS.
Damnation.

Certes elles sont gentillettes et pas trop obscènes mais enfin l'un de ses articles s'appelle : "Un beau message spatial." Comment pénétrer les Lois Fondamentales de l'Univers dans ces conditions ?
Je pose la question.
Et aussi une autre question : à quand les Lois Fondamentales du Contrepet ?

Pour finir en restant dans le ton, une équation simple : Physicien + contrepéteur + fanfaron = total respect M. Martin !

jeudi 6 janvier 2011

Parlez-vous geek ?

D'aucun, et même plusieurs, m'ont déjà appelée geekette (voir Wiki/Geek), mot d'une remarquable laideur. Mais je ne me fais guère d'illuses, car si je passe facilement pour un as de l'informatique auprès des plus de 70 ans, certainement je ne touche pas une bille comparée à n'importe quel élève de quatrième, ou du moins le supposé-je, car je n'en fréquente pas beaucoup.

C'est ainsi que je tombai sur ce papier dans owni : (R)évolution de la langue grâce au clavier : l'hybridation des codes, dans lequel j'ai appris des tas de choses passionnantes (sans vouloir faire de la publicité pour owni.fr, qui est mon ami depuis qu'il a publié l'un de mes articles.)

Je me propose donc de le recopier et paraphraser abondamment, en toute amitié, et aussi d'en pomper les illustrations qui sont excellentes, dans une tentative de classification des signes, codes et manies les plus courants qui entravent la compréhension du béotien qui s'aventure sur le net.

Les acronymes :
Contrairement à tous les autres codes qui m'agacent prodigieusement, moi qui m'efforce de m'exprimer dans la langue de Proust en toutes circonstances, y compris dans les SMS, j'aime les acronymes, so sue me.

Tout le monde connait LOL, laughing out loud, ou mdr, mort de rire en français, qui présente à mon avis l'inconvénient de contenir les mêmes consonnes que merde, raison peut-être de son manque de succès. LOL a sombré définitivement dans la ringardise à cause de sa surutilisation et de Sophie Marceau. Il existe des tentatives de sortir du LOL, comme ROTFL, rolling on the floor laughing, LMAO, laughing my ass off, et PTDR, pêté de rire.

La plupart connaissent aussi OMG, WTF, STFU : Oh my god, What the fuck, Shut the fuck up, en bon français Bonté divine ! Qu'est-ce à dire ? et Ta gueule. Au chapitre des gros mots, les Français ont contribué avec OSEF, on s'en fout, et VDM, vie de merde, popularisé par le site éponyme, seul acronyme français qui parvient à être plus concis que son fameux équivalent anglais : LABATYD, life is a bitch, and then you die.

Plus utile : NSFW, not safe for work. Mention à prendre en considération avant d'ouvrir un site qui a toutes les chances de contenir des femmes (ou hommes) à poil et autre contenu compromettant.

Les admin, véritables administrateurs de réseau, ou figurativement caïds de l'informatique, ont plein de manières subtiles de véhiculer leur mépris face à l'incompétence et la stupidité des utilisateurs. BKAC : between keyboard and chair, c'est-à-dire le problème est assis devant l'écran, c'est l'humain qui déconne et non pas la machine.
Mon préféré : RTFM, read the fucking manual.
Dans le même esprit "Google est ton ami" signifie que tu pourrais trouver la réponse en trente secondes sur Google au lieu de me faire perdre mon temps. Il est vrai que je dis souvent "ask Google".

Bref, pour en savoir plus, 861.642 acronymes et leur signification en anglais sur all-acronyms.com.

Les smileys : Je déteste particulièrement les smileys. Mis à part les ronds jaunes fournis par skype et autres messageries, les smileys effectués au clavier se sont répandus avec ICQ (que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître) et ont envahi les sms au point de mériter le nom français grotesque d'émoticônes.
Les plus répandus sont :) content, :( pas content
;) clin d'oeil, :-0 étonné, etc. Je vais pas vous faire mille dessins.

Si vous tenez absolument à ces petits crobars puérils, je conseillerais d'utiliser plutôt les kao moji, même chose mais japonais. Ils ont l'avantage de l'exotisme et d'être verticaux, ce qui évite de se tordre le cou pour essayer de comprendre. \o/ youpi, victoire.
T_T je suis triste, ^_^ ou simplement ^ ^ je rigole.  (>_<) en colère.  (^_~) clin d'oeil.
Tout savoir et plus sur le sujet avec http://en.wikipedia.org/wiki/Kaomoji et http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_emoticons.

Le twitter :
Même sans avoir jamais mis les pieds dans Twitter vous risquez de rencontrer des termes propres à ce site qui débordent  notamment sur facebook, voire dans les mails et blogs.
@ : facile à comprendre d'autant plus que arobase se dit aussi at en anglais. @Josyane : pour Josyane. Couramment utilisé dans les forums et commentaires, pour trier les interlocuteurs dans le thread, le fil de la discussion.

# : hashtag. Collé devant un mot ou une expression, sert à désigner ce mot comme #mot-clé dans un tweet. Devenue une manie envahissante partout pour souligner, insister, résumer, cataloguer etc.
Une défense du hashtag dans l'article cité plus haut : "Ca peut sembler être une lubie de technophile hyperconnecté, geek et autre nerd, mais introduire des #hashtags, ces marqueurs contextuels de Twitter, dans un courrier électronique pour donner une information supplémentaire n’est pas si étrange. C’est aussi un moyen d’attirer l’attention sur une notion en particulier, ou de dire dans quel(s) cadre(s) on doit comprendre la phrase en question. Le fameux #fail indiquant un échec manifeste est devenu un classique du genre. Oups, on n’avait pas rendez-vous il y a une heure ? #fail indique que l’on est conscient de sa boulette, c’est même un mea culpa en règle."

RT : Retweet. Facile à comprendre aussi car il pourrait aussi bien signifier router ou retransmettre. Pues eso. Transférer.

DM : Direct Message. En passe de remplacer FYEO, for your eyes only, plus vieux que James Bond. Message adressé sur Twitter à une seule personne, que les autres abonnés ne peuvent pas voir.

Le SMS style, ou même SMS staïle.
Semble universellement honni par les geeks, qui n'ont vraisemblablement pas de temps à perdre au téléphone.

Au delà de l'écriture phonétique, du remplacement de certaines syllabes par des lettres ou des chiffres, chose vieille comme le monde en anglais (par exemple IOU, I owe you, reconnaissance de dette, remonterait à 1610), le SMS style a certaines spécificités dues au clavier du téléphone.  Il peut remplacer un mot par un équivalent phonétique comprenant autant de caractères mais plus rapides d'accès : « moi » devient « mwa » car M, W et A sont les lettres apparaissant en priorité en appuyant sur les touches correspondantes, alors que O et I sont troisièmes. Il faut donc appuyer sur trois touches pour écrire « mwa », contre sept et une pause pour « moi ». Je trouve ça intéressant, mwa, je c pa vou... A part ça, pas grand chose de créatif à retenir en français, à part le spectaculaire A12C4...

Jeux vidéo :
Sujet que je vais à peine effleurer car je n'y connais strictement rien, et pour moi wow signifie toujours ouahou c'est super, et pas World of Warcraft. J'ai retenu GGA, good game all, bien ouéj en bon français, qui sert à congratuler tous les membres de n'importe quel groupe, le joli OOM, out of mana, dépourvu d'énergie, ou d'argent, fatigué, à plat, ou fauché, et le mystérieux pwn3d (voir fig. 1) qui a toute une histoire. Owned signifie possédé, non pas dans le sens biblique mais dans le sens de tu m'as eu, je suis bien attrapé. Certains ont semi-francisé en "ouned". Pwned c'est la même chose, avec une faute de frappe qui est passée dans l'usage, le P étant à côté du O, et suivant le principe que plus c'est incompréhensible par les non initiés, mieux c'est. Enfin il est devenu Pwn3d par application de leet, on va y venir.


Le leet speak, ou 1337 5|*34|<
Chose à peu près inutile inventée par des vrais nerds arrogants qui n'ont rien d'autre à foutre (par définition, remarquez) et qui pourraient avoir pour seule excuse de devoir se parler entre eux alors qu'ils sont des hackers recherchés par toutes les polices, autrement je vois pas.
Code qui consiste à remplacer chaque lettre par un groupe de signes qui lui ressemble de près ou de (très) loin. En général le E par 3, le A par 4 et le S par 5 sont un bon début.

Regardez le sens de cette phrase disparaitre inexorablement.
2eg4rdez 1e 5en5 )e ce77e ph24se di5p4r41tre ine><0r4blem3nt
239/-\2)3-/_ 13 53/\/5 )3 [3773 1=2453 )15I°4241723 1/V3><0248I_3IvI3/1/7

Oui, c'est horrible. Ca sert aussi à contourner les anti-spams pour essayer de vous vendre du vi4gr4, par exemple. Une belle vacherie, dans l'ensemble. Un terme assez fréquent est pr0n pour porn.
Les hackers ont bien entendu toute une culture qui leur est propre et un vocabulaire d'où ont émergé warez, que les frenchies prononcent ouaraise alors qu'il s'agit de l'abréviation par aphérèse (dont j'ai déjà parlé ici) du pluriel de fantaisie de software, qui désignait des programmes trafiqués ou piratés, et HAXOR pour hacker, ROXOR pour rocker, un mec génial, et FUXOR, SUXOR, vous avez compris le principe.

+1 : En réponse à une proposition ou affirmation quelconque, signifie qu'on est d'accord, qu'on se joint. En gros : moi aussi. Phénomène intéressant parce qu'il a donné le verbe plussoyer, qui mérite par son élégance de rentrer dans le dictionnaire.

Le html :
C'est trop dur. Une fois de plus je me promets ici d'apprendre un jour le html, pendant ma retraite peut-être.
Un seul et joli exemple toujours dans l'article dont auquel :
"On peut voir des morceaux de code HTML jusque… dans des manifestations contre la guerre en Irak ! Ici, la fin de la division "war", sous-entendu Arrêtons la guerre."

Comme quoi on peut être geek et bleeding-heart liberal, comme disent les faucons ricains, et fiers de l'être, en plus....