vendredi 26 décembre 2008

Enquête sur la pantoufle de verre

Fille d'intellectuels sceptiques, le soir je lisais le Littré à la place de la bible.

Pas étonnant que j'aie toujours méprisé la pantoufle de verre de Cendrillon. En fait j'ai toujours cru qu'il s'agissait d'une modification récente, d'une erreur de traduction de pantoufle de vair à glass slipper. De là à blâmer Walt Disney, il n'y avait qu'un pas de menuet au bal du Prince.

Or il n'en est rien, car Charles Perrault a bien écrit "Cendrillon ou la petite pantoufle de verre". Grande est ma stupéfaction.
D'autant plus que le révisionniste semble être Emile Littré lui-même, homme infiniment raisonnable à qui l'idée d'une pantoufle de verre devait sembler loufoque. D'un autre côté, on n'a jamais demandé aux contes de fées d'être des parangons de vraisemblance.
La démonstration de Wikipédia me paraît convaincante : il semble que ce soit Charles Perrault qui ait inventé cette pantoufle de verre farfelue (pourquoi pas de cristal ? de diamant ?).

La pantoufle de Cendrillon, est selon les versions, de vair (fourrure d'écureuil) ou de verre. L'édition de 1697 des contes de Charles Perrault mentionne bien « la pantoufle de verre », donnée traditionnelle dans le folklore, puisqu'on retrouve des pantoufles de verre ou cristal dans les contes catalans, écossais, irlandais.
Dans d'autres contes, le héros peut avoir des chaussures de fer, et Blanche-Neige des frères Grimm un cercueil de verre. En occitan, une formule de conclusion utilisée par les conteurs était celle-ci : Cric-crac ! Mon conte es acabat / Abió un escloupoun de veire / Se l'abio pas trincat / Aro lou vous farió veser. (Cric-crac, mon conte est achevé / J'avais un petit sabot de verre / Si je ne l'avais pas brisé / Je vous le ferais voir.)
Honoré de Balzac et Émile Littré voulaient, au nom de la raison, corriger cette graphie en vair (petit-gris, écureuil). Cette correction n’apporte pas toute satisfaction, car outre le fait que jamais on ne fourra par le passé les chaussures de petit-gris, de tels souliers seraient bien inappropriés à un bal et à la danse, et la fourrure n'apporte aucune valeur symbolique au récit.
Le verre était, à l'époque de Perrault, pour le peuple, un matériau rare et précieux, symbolique donc d'une personnalité exceptionnelle, particulièrement fine et légère, au point de pouvoir porter de telles chaussures sans les briser ni en être incommodée. On peut arguer au nom de le raison qu'il serait bien difficile de chausser une pantoufle de verre si elle ne s'ajustait pas exactement à la forme et à la taille du pied, ce qui se produit dans l'histoire.
Le sens du mot pantoufle (chaussure d'intérieur confortable) a certainement influé dans ce sens (les traductions de la version de Grimm emploient escarpin, et d'ailleurs des escarpins en or, qui ne doivent pas être spécialement confortables non plus).

Et le vair dans tout ça ?

VAIR
Étymologie :
Cet adjectif est issu du latin classique varius, signifiant d’abord « moucheté », « tacheté, bigarré », surtout en parlant de la peau ; l’adjectif qualifiait, dans la langue agricole, une « terre arrosée en surface ». Au sens moral, le mot s’employait au sens de « varié », « divers », « inconstant, irrésolu ».

Ancienne langue :
Cet adjectif s’est d’abord employé en français pour qualifier des yeux d’une couleur indécise et ne pouvant s’inscrire dans la nette opposition bleu / marron. Il signifiait donc initialement « gris vert » ou « gris bleu ». Ce sens s’est conservé en moyen français.
La même idée de « varié », « non fixé » se retrouve dans les emplois de l’ancien français (XIIe siècle) où cet adjectif qualifiait une fourrure ou une étoffe (« bigarré, multicolore »), ou encore les reflets (« changeants ») de l’acier.
Par ailleurs, l’adjectif a conservé en ancien français son sens moral latin pour qualifier une personne : « variable, inconstante ».

Évolution jusqu’au français moderne :
L’adjectif a disparu de la langue contemporaine.
En revanche, le substantif vair qui en est dérivé (XIIe siècle) se maintient en français moderne. Il désigne la « fourrure de petit-gris », ou bien une « matière fourrée de petit-gris ».Ce nom appartient également au vocabulaire de l’héraldique et désigne « l’une des couleurs des blasons, alternant des clochetons d’argent et d’azur ».
Adjectif dérivé : vairon.

lundi 15 décembre 2008

Qui êtes vous Ponzi ?


Non pas Fonzie.

Carlo Ponzi.

Carlo Ponzi est un Italien qui un beau jour de 1903, à l'âge de 21 ans, après avoir dilapidé l'argent de ses parents, quitta l'Université de Rome pour s'embarquer sur le S.S. Vancouver à destination de Boston, pour faire fortune aux Amériques. Il avait 200 dollars en poche et belle mine, mais las, la traversée est longue, et après avoir joué aux cartes avec des requins, il débarqua avec 2$50.
L'étoffe des légendes.


Mais la fortune est capricieuse, et elle ne sourit pas tout de suite. Carlo Ponzi galéra à travers tous les Etats-Unis et le Canada pendant plus de quinze ans avant de revenir à Boston, épouser sa bien-aimée et avoir une illumination. Recevant une lettre d'Espagne, d'un ami sans doute sensible à ses difficultés économiques, il remarqua que joint à la lettre était un petit papier qui sert à payer le timbre pour la réponse, un coupon-réponse international, qui existe encore de nos jours.

[Factoïde : cette merveilleuse invention est due à l'Union Postale Universelle, première organisation internationale fondée en 1874 pour uniformiser les pratiques de la poste dans le monde entier. En ce temps là la langue diplomatique était le français, c'est pourquoi dans les pays les plus incongrus on peut recevoir une lettre avec un tampon qui dit "en retour : n'habite pas à l'adresse indiquée" en français dans le texte.]

Mais bref. Ponzi se rendit à la poste et s'aperçut que la monnaie américaine étant plus forte que les monnaies européennes, le coupon-réponse acheté en Espagne pouvait s'échanger contre un timbre qui pouvait ensuite être revendu avec 230% de bénéfice (l'histoire ne dit pas si le coût du voyage du coupon depuis l'Europe était compris dans l'affaire, c'est un peu flou à ce stade).


Toujours est-il que Ponzi ouvrit une officine sous le nom prémonitoire de Securities Exchange Co. qui promettait aux investisseurs un retour de 50%, puis 100% en 90 jours. Toute la bonne société se rua sur cette bonne affaire, et Ponzi amassa en quelques mois l'équivalent actuel de 100 millions de dollars.

Mais la fortune se remit rapidement à faire la gueule : un journaliste moins benêt que les autres calcula que pour satisfaire tous les investisseurs, il faudrait importer 160 millions de coupons. Or, seulement 22000 étaient en circulation dans le monde. Ponzi s'aperçut vite lui aussi que quelque chose péchait dans la logistique de son business, et basiquement il remboursa les intérêts des premiers clients avec le capital des suivants. Un an après, il était en prison, et ce type de montage qui est vieux comme le monde et s'appelle en français escroquerie à la boule de neige ou vente pyramidale passa à être connu ever after aux Etats-Unis sous le nom de Ponzi scheme.

La perversité de ce système est qu'évidemment, au début ça marche. Mais il vaut mieux avoir son billet d'avion prêt pour le Paraguay, parce que ça ne marche pas longtemps.
En effet il nécessite une progression géométrique du nombre de clients (crédules) pour fonctionner. Mais les chiffres sont cruels : si on prend un client et qu'on le multiplie 30 fois par deux, on aboutit à 8 589 934 592, ce qui est supérieur au nombre d'habitants de la planète.

Cependant un système de Ponzi peut survivre plus longtemps si le versement des intérêts n'est pas à date fixe. Après avoir remboursé les premiers clients, une fois la confiance installée, un fonds d'investissement peut se contenter d'envoyer des relevés de comptes imaginaires, pourvu que les investisseurs ne retirent pas leur argent, ou en tous cas pas tous en même temps.

Un système de Ponzi géant a fonctionné presque trente ans en Espagne et au Portugal, avant de s'effondrer récemment en annihilant les économies de centaines de milliers de gens modestes. Ironiquement l'"investissement" portait sur des pseudo-timbres de collection.

La nouvelle vedette des finances, Bernard Madoff, ancien PDG de NASDAQ, s'il vous plaît, qui se trouve en prison après avoir fait disparaître aimablement 50 milliards de dollars, a remis le terme à la mode, un de ses anciens employés ayant rapporté qu'il avait un jour remarqué : "basically, it's just a giant Ponzi scheme". La presse internationale s'est aussitôt penchée sur ce système mystérieux alors qu'aux Etats-Unis c'est une expression courante, un terme générique.
Bien sûr, on peut se demander par les temps qui courent si le système financier international n'est pas "basically a giant Ponzi scheme".

Un certain Mitchell Zuckoff vient d'écrire une biographie de Ponzi ("Ponzi's Scheme: The True Story of a Financial Legend." bientôt un film ! et une comédie musicale !). Il tente de réhabiliter partiellement sa mémoire en montrant qu'il croyait sincèrement avoir trouvé un filon légal. Mouais, en tous cas il a dû perdre ses illusions rapidement.

Et au fait, après sa sortie de prison Ponzi refit sa vie au Brésil, terre promise des escrocs ; il mourut dans un hôpital de charité de Rio de Janeiro le 18 janvier 1949.

samedi 6 décembre 2008

Lorem Ipsum




C'est en lisant et relisant l'oeuvre immortelle de Jasper Fforde que je fus intriguée par le lorem ipsum. L'héroïne, Thursday Next, a un fils qui s'appelle Friday, je crois bien. Cet enfant est né et a été élevé dans la fiction littéraire, dans un livre littéralement (c'est très compliqué, il faut lire les quatre épisodes) et se met à parler latin de temps en temps. Sa mère explique que ce n'est pas du latin, mais du lorem ipsum qu'il a appris dans son enfance.



Je fus surprise et charmée de découvrir que le lorem ipsum est toujours utilisé dans les modèles du Blogger de Google, comme quoi il se porte bien.

D'après lipsum.com, qui se dit le seul générateur de véritable et pur lorem ipsum, c'est "simplement du faux texte employé dans la composition et la mise en page avant impression. Le Lorem Ipsum est le faux texte standard de l'imprimerie depuis les années 1500, quand un imprimeur anonyme assembla des morceaux de texte pour réaliser un livre spécimen de polices de texte. Il n'a pas fait que survivre cinq siècles, mais s'est aussi adapté à la bureautique informatique, sans que son contenu n'en soit modifié. Il a été popularisé dans les années 1960 grâce à la vente de feuilles Letraset contenant des passages du Lorem Ipsum, et, plus récemment, par son inclusion dans des applications de mise en page de texte, comme Aldus PageMaker."


Contrairement à une opinion répandue, le Lorem Ipsum n'est pas simplement du texte aléatoire. Il trouve ses racines dans une oeuvre de la littérature latine classique datant de 45 av. J.-C. Un professeur du Hampden-Sydney College, en Virginie, s'est intéressé à un des mots latins les plus obscurs, consectetur, extrait d'un passage du Lorem Ipsum, et en étudiant tous les usages de ce mot dans la littérature classique, découvrit la source incontestable du Lorem Ipsum. Il provient en fait des sections 1.10.32 et 1.10.33 du "De Finibus Bonorum et Malorum" (Des Suprêmes Biens et des Suprêmes Maux) de Cicéron. Cet ouvrage, très populaire pendant la Renaissance, est un traité sur la théorie de l'éthique. Les premières lignes du Lorem Ipsum, "Lorem ipsum dolor sit amet...", proviennent de la section 1.10.32.

L'extrait standard de Lorem Ipsum utilisé depuis le XVIè siècle est reproduit ci-dessous pour les curieux. Les sections 1.10.32 et 1.10.33 du "De Finibus Bonorum et Malorum" de Cicéron sont aussi reproduites dans leur version originale, accompagnée de la traduction anglaise de H. Rackham (1914).

Le passage de Lorem Ipsum standard, utilisé depuis 1500 :

"Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipisici elit, sed do eiusmod tempor incididunt ut labore et dolore magna aliqua. Ut enim ad minim veniam, quis nostrud exercitation ullamco laboris nisi ut aliquip ex ea commodo consequat. Duis aute irure dolor in reprehenderit in voluptate velit esse cillum dolore eu fugiat nulla pariatur. Excepteur sint occaecat cupidatat non proident, sunt in culpa qui officia deserunt mollit anim id est laborum."


Section 1.10.32 du "De Finibus Bonorum et Malorum" de Ciceron (45 av. J.-C.) :

"Sed ut perspiciatis unde omnis iste natus error sit voluptatem accusantium doloremque laudantium, totam rem aperiam, eaque ipsa quae ab illo inventore veritatis et quasi architecto beatae vitae dicta sunt explicabo. Nemo enim ipsam voluptatem quia voluptas sit aspernatur aut odit aut fugit, sed quia consequuntur magni dolores eos qui ratione voluptatem sequi nesciunt. Neque porro quisquam est, qui dolorem ipsum quia dolor sit amet, consectetur, adipisci velit, sed quia non numquam eius modi tempora incidunt ut labore et dolore magnam aliquam quaerat voluptatem. Ut enim ad minima veniam, quis nostrum exercitationem ullam corporis suscipit laboriosam, nisi ut aliquid ex ea commodi consequatur? Quis autem vel eum iure reprehenderit qui in ea voluptate velit esse quam nihil molestiae consequatur, vel illum qui dolorem eum fugiat quo voluptas nulla pariatur?"

Traduction de H. Rackham (1914) :

"But I must explain to you how all this mistaken idea of denouncing pleasure and praising pain was born and I will give you a complete account of the system, and expound the actual teachings of the great explorer of the truth, the master-builder of human happiness. No one rejects, dislikes, or avoids pleasure itself, because it is pleasure, but because those who do not know how to pursue pleasure rationally encounter consequences that are extremely painful. Nor again is there anyone who loves or pursues or desires to obtain pain of itself, because it is pain, but because occasionally circumstances occur in which toil and pain can procure him some great pleasure. To take a trivial example, which of us ever undertakes laborious physical exercise, except to obtain some advantage from it? But who has any right to find fault with a man who chooses to enjoy a pleasure that has no annoying consequences, or one who avoids a pain that produces no resultant pleasure?"

Section 1.10.33 du "De Finibus Bonorum et Malorum" de Ciceron (45 av. J.-C.) :

"At vero eos et accusamus et iusto odio dignissimos ducimus qui blanditiis praesentium voluptatum deleniti atque corrupti quos dolores et quas molestias excepturi sint occaecati cupiditate non provident, similique sunt in culpa qui officia deserunt mollitia animi, id est laborum et dolorum fuga. Et harum quidem rerum facilis est et expedita distinctio. Nam libero tempore, cum soluta nobis est eligendi optio cumque nihil impedit quo minus id quod maxime placeat facere possimus, omnis voluptas assumenda est, omnis dolor repellendus. Temporibus autem quibusdam et aut officiis debitis aut rerum necessitatibus saepe eveniet ut et voluptates repudiandae sint et molestiae non recusandae. Itaque earum rerum hic tenetur a sapiente delectus, ut aut reiciendis voluptatibus maiores alias consequatur aut perferendis doloribus asperiores repellat."

Traduction de H. Rackham (1914) :

"On the other hand, we denounce with righteous indignation and dislike men who are so beguiled and demoralized by the charms of pleasure of the moment, so blinded by desire, that they cannot foresee the pain and trouble that are bound to ensue; and equal blame belongs to those who fail in their duty through weakness of will, which is the same as saying through shrinking from toil and pain. These cases are perfectly simple and easy to distinguish. In a free hour, when our power of choice is untrammelled and when nothing prevents our being able to do what we like best, every pleasure is to be welcomed and every pain avoided. But in certain circumstances and owing to the claims of duty or the obligations of business it will frequently occur that pleasures have to be repudiated and annoyances accepted. The wise man therefore always holds in these matters to this principle of selection: he rejects pleasures to secure other greater pleasures, or else he endures pains to avoid worse pains."
Fascinant, n'est-il pas ?

Naturellement, le jeu consiste à entrer "lorem ipsum" dans Google et visiter tous les sites en construction, et les pages que personne n'a pris la peine de remplir de vrai texte depuis des années.
Pour ceux qui parlent latin couramment, un autre jeu consiste à véritablement lire le lorem ipsum qui figure dans ces sites, s'apercevoir qu'il n'est le plus souvent pas très catholique, et rechercher les blagues et obscénités dont il est truffé à l'insu du webmestre, les graphistes informatiques maîtrisant rarement en même temps le html et les oeuvres complètes de Cicéron...

dimanche 30 novembre 2008

Douglas Coupland


"A few years ago it dawned on me that everybody past a certain age - regardless of how they look on the outside - pretty much constantly dreams of being able to escape from their lives. They don't want to be who they are anymore. They want out. This list includes Thurston Howell the Third, Ann-Margaret, the cast members of Rent, Vaclav Havel, space shuttle astronauts and Schnuffleupagus. It's universal.

Do you want out ? Do you often wish you could be somebody, anybody, other than who you are - the you who holds a job and feeds a family - the you who keeps a relatively okay place to live and who still tries to keep your friendships alive ? In other words, the you who's going to remain pretty much the same until the casket ?

There's nothing wrong with me being me, or with you being you. And in the end, life's pretty tolerable, isn't it ? Oh, I'll get by. We all say that. Don't worry about me. Maybe I'll get drunk and go shopping on Ebay at eleven at night, and maybe I'll buy all kinds of crazy crap I won't remember I bid on the next morning, like a ten-pound bag of mixed coins from around the world or a bootleg tape of Joni Mitchell performing at the Calgary Saddle-dome in 1981."

C'est la première page du dernier roman de Douglas Coupland. Sur ma tête, toute la première page, rien que la première page. Pour vous permettre d'apprécier encore mieux cet affligeant constat, laissez-moi ajouter que le personnage qui s'exprime ci-dessus est censé avoir 43 ans dans le roman. L'auteur, quand à lui, est né en 1961. Youpi.

Il n'était donc pas si jeune que ça lorsqu'en 1989 il publia Generation X, considéré depuis lors comme le manifeste de la génération d'après 68.
On peut dire qu'il est toujours en phase avec sa génération, mais beaucoup moins original.
The Gum Thief est à part ça un roman au sujet d'un écrivain qui écrit sur un autre écrivain, qui écrit sur d'autres écrivains. Les deux premiers sont débutants, ce qui expliquerait peut-être pourquoi c'est mal écrit.
Il y a un phénomène fatal chez les écrivains installés dans leur succès depuis de nombreuses années, c'est qu'ils sont professionnels, passent leur vie dans les séances de signatures et tables-rondes sur la Littérature, bla bla bla, et n'ont rien vu d'autre pendant si longtemps qu'ils ne peuvent écrire que sur les écrivains, et pas sur les vrais gens. Et c'est chiant. C'est arrivé à John Irving, ou à David Lodge par exemple, et à mon avis c'est le début de la fin.

Saluons donc le début de la fin d'un écrivain qui s'est attaché à être résolument moderne, dont les personnages travaillent souvent dans l'informatique, et on apprend plein de choses sur les petites mains de Microsoft.
Honnissons ensemble les éditeurs français qui n'ont traduit qu'une partie de ses titres et n'importe comment : "Girlfriend in a Coma", qui ne m'a pas laissé un souvenir impérissable, est traduit "Girlfriend dans le coma", pourquoi pas "Petite amie dans le coma" ? Maintenant que j'y pense, ça doit être traduit en canadien.
Les deux meilleurs livres à mon goût sont bien sûr ceux qui ne sont pas traduits, Miss Wyoming, qui est charmant et intéressant, et Shampoo Planet, qui est hilarant. Je vais peut-être écrire à 10/18 pour les insulter...
Il est vrai que Douglas Coupland est canadien mais il est aussi très américain, il a un blog au New York Times, s'il vous plaît, où il se trahit en prenant le Freixenet pour du champagne et en trouvant ça bon, le pauvre.

Voila un autre sujet d'agacement chez moi, je n'ai pas envie de connaître la vie et les soucis de cors aux pieds d'un auteur. Avec cette mode de raconter sa vie sur un blog, on s'aperçoit tout de suite que l'auteur n'est pas... à la hauteur. Douglas Coupland aime le Freixenet et se plaint que les lecteurs européens sont malpolis lors des séances de dédicace.
Well fuck you, Doug.

Qui a besoin de savoir que Gustave Flaubert était un obsédé sexuel ou Evelyn Waugh un horrible misogyne ? (Ma faute, j'ai lu sa correspondance...)
Well après cette critique mi-figue mi-raisin, je vous recommande donc la lecture de ces ouvrages, "Toutes les familles sont psychotiques" est assez drôle en attendant la traduction de Shampoo Planet, et dans l'ensemble le thème de son oeuvre étant : "je suis un pauvre looser dépressif et vous aussi", ça remonte le moral de voir qu'on n'est pas tout seul et/ou qu'il y en a au moins un qui est devenu un écrivain mondialement célèbre avec ce thème peu prometteur...


lundi 24 novembre 2008

Buy Nothing Day


29 novembre 2008
International Buy Nothing Day !
2009 : International Buy Nothing Year !

dimanche 23 novembre 2008

Propagande sectaire

A l'heure où l'industrie automobile ne se sent pas très bien, je me réjouis personnellement de sa déconfiture. J'appelle de mes voeux la faillite de General Motors et de tous ses concurrents.

Les actions du groupe GM (Buick, Chevrolet, Oldsmobile, Isuzu, Opel, Saab, la tristement célèbre Hummer) sont tombées à leur plus bas niveau depuis les années trente, commentent lugubrement Bloomberg et le Wall Street Journal.

Ah ! Les années trente ! C'est une époque riche en culture et pauvre en valorisation boursière à laquelle on pense beaucoup à Wall Street en ce moment, en frissonnant...

N'oublions pas que dans les années trente c'est General Motors et Ford qui ont racheté les compagnies de chemin de fer aux Etats-Unis, les ont fermées et ont fait carrément arracher les rails pour paver la voie, on ne saurait mieux dire, au développement de l'automobile.

Certes il est regrettable que des millions d'employés se retrouvent au chômage, comme l'ont été avant eux les garçons d'écurie, palefreniers et fabricants de carrosses, mais il faudra bien quelqu'un pour fabriquer des bicyclettes, des trains, des trams, que sais-je ? des éoliennes ?

En attendant, j'ai une bonne nouvelle pour la secte de ceux qui n'ont pas le permis de conduire (c'est une secte secrète pour l'instant, ceux qui en font partie se reconnaîtront) : j'ai trouvé un nom pour la secte !

Figurez-vous que j'ai découvert absolument par hasard dans un recueil de factoïdes que le Pr Einstein, Albert lui-même, n'avait jamais appris à conduire !

Je suis donc heureuse et fière de vous présenter aujourd'hui l'Association Albert Einstein des Ennemis de l'Auto. Ca peut se prononcer Aa Euh A, ce qui est déjà de bonne augure.

Les nouveaux adhérents sont bienvenus, ils suffit de ne pas avoir le permis de conduire. Certains sont honteux et essaient mollement de prendre des cours de conduite de temps en temps. Je leur dis : ne cédez pas à la pression de la société ! Halte à la culpabilité ! J'envisage d'ailleurs d'organiser une marche (évidemment) des fiertés...

Les membres sympathisants sont ceux qui ont passé le permis dans un moment d'égarement de leur folle jeunesse mais détestent l'auto et ne conduisent jamais.

L'Aa Euh A n'ayant pas (encore) d'activités militantes, voici quelques sites de camarades :

samedi 15 novembre 2008

On Hell

Well enough of these joyful celebrations already : let's get back to Hell !

Je collectionne les locutions verbales américaines avec Hell. Il y en a plein. Moins qu'avec Shit, mais quand même.

C'est difficile à traduire en français, parce que l'équivalent est Diable, mais les locutions avec Diable sont déséspérément vieillotes : Hell ! Interjection : Diable ! The hell with it ! Au diable tout cela ! Go to hell ! Allez au diable ! Vous voyez ce que je veux dire.

Dans la série interjection, Fucking hell ! serait plutôt Putain de merde ! de nos jours.

Like hell : beaucoup : Hurts like hell. Ca fait un mal de chien.

The hell : exprime la surprise, la colère ou l'impatience : What the hell are you doing ?

The hell : Ironiquement ou sarcastiquement, pour exprimer avec force le contraire de ce que l'on dit : It wasn't me. The hell it wasn't ! Mon cul c'était pas toi !

To be hell on : pénible ou dommageable : These country roads are hell on tires : ces routes de campagne c'est l'enfer pour les pneus.

To give or take hell : engueuler ou se faire engueuler.

To hell around : vivre d'une manière dissolue.

For the hell of it : pour l'aventure, pour s'amuser, ou sans aucune raison.

To raise hell : je ne résiste pas à reproduire la définition du Collins :
a : to indulge in wild celebration
b: to create an uproar; object violently to: she'll raise hell when she sees what your rabbit has done to her garden.
Planter le bordel. Piquer une crise.

Hell on wheels : extrêmement exigeant, rapide, agressif.

What the hell : exprime le manque d'intérêt ou le renoncement : qu'est-ce que ça peut foutre ? As long as you borrow 100 $, what the hell, borrow 200 $.




Et maintenant mes chouchous :

To go to hell in a handbasket : aller en enfer dans un petit panier à une anse qui se tient à la main. Pourquoi ? Mystère.

Partir à vau l'eau. Partir en couille à vitesse accélerée. Aller dans le mur.

La définition et l'exemple du dictionnaire sont aussi très bien : to degenerate quickly and decisively: The economy has gone to hell in a handbasket.




Then for our whole time favourite :

When hell freezes over.

Quand les poules auront des dents.
A la Saint-Glinglin.

J'ai cherché une photo de Saint Glinglin dans Google image, je n'en ai pas trouvé. Il n'y a qu'une marque de bière qui s'appelait Saint-Glinglin, mais il semble qu'elle ait fait faillite.

En revanche, quelqu'un a réussi a prendre en photo Hell in the process of freezing over.
Encore une perle de Google image.

Also : when pigs fly, ce qui donne lieu à beaucoup plus d'illustrations.

It is safe to say that when pigs fly our countryside will go to hell in a handbasket, and it's likely that all hell will break loose.


La survenue d'un désordre ou d'une confusion extrême , un bordel total : the children let out the flying pigs, and all hell broke loose...


lundi 10 novembre 2008

We Shall Overcome

Ce que j'ai trouvé de plus émouvant parmi toutes ces festivités Obamaniaques c'est cette petite photo où l'on voit des enthousiastes brandir une bannière qui dit : We Have Overcome.

C'est bien sûr une référence à l'hymne du mouvement de lutte pour les droits civiques, We Shall Overcome, l'équivalent étatsunien de El pueblo unido jamas sera vencido.
Mais d'où vient-il ? Les avis sont partagés sur l'origine de la chanson (et tout le monde n'est pas d'accord avec Wikipédia), mais il semblerait qu'un gospel intitulé "I will be alright", dans lequel figuraient les paroles "I will overcome someday", ait été changé pour la première fois en "We will overcome" par Lucille Simmons, une ouvrière du syndicat Food and Tobacco Workers Union, pour se remonter le moral et se réchauffer pendant une grève de cinq mois contre l'American Tobacco Company, durant l'hiver 1945.


Certains de ces leaders syndicaux furent invités à la Highlander Folk School de Monteagle, Tennessee, centre d'éducation pour les syndicalistes pour les uns, repaire de communistes pour les autres. Zilphia Horton, directrice musicale de l'école, pris l'habitude de clore les réunions en chantant cette chanson, notamment en présence de Martin Luther King et du folk singer Pete Seeger. Ce dernier changea "we will overcome" en "we shall overcome" en 1947 pour lui donner plus de gravité.
The rest is History.
En août 1963, Joan Baez fit chanter "We Shall Overcome" à 300.000 personnes au Lincoln Memorial pendant la Marche sur Washington de Martin Luther King.

Les photos sont extraites du blog d'un certain Peter Scholtes qui a publié une histoire extraordinairement détaillée et référencée sur le sujet.



Un autre slogan réminiscent est "This is not a dream". Pour "I Have a Dream", voir 12 octobre 2007.

mardi 4 novembre 2008

Yes they could !


And I never thought I'd say that : Thank you Florida !

mercredi 8 octobre 2008

We are all Brazilians now

Nous sommes tous brésiliens et nous ne le savions pas.

Damned.

Autre remarque qui n'a rien à voir : dismal est mon mot préféré en anglais (après miscellaneous bien sûr).
Mais je viens juste de découvrir à l'occasion de cette article que l'expression "dismal science" avait plusieurs sens particuliers, dont l'un en "science" économique.

Apprenez en bloggant...

Krugman: "We are all Brazilians now"
Balance sheet contagion rules the global economy. "Interdependence" is becoming a dirty word.
Andrew Leonard
Salon
Oct. 07, 2008

One of the glories of our Internet-mediated information economy is that if we want the version of Paul Krugman's current economic analysis dumbed down for cable news consumption, we can quickly find it on YouTube, and if we want his thoughts smartened up for those who can handle some math, we can grab the PDF file directly from his blog.

As I've confessed before, I get lost at sea quickly when dealing with economist math, but unlike many dismal scientists, Krugman spices up his equations with remarkably colloquial language, so I think I get the gist of his "note" on the crisis: "The International Finance Multiplier." Since 1995, Krugman observes, "there has been a major increase in financial globalization in the sense that there are large international cross-holdings of assets." The asset-holders are, in general, highly levered, that is, they employ borrowed money to purchase whatever it is they currently own, like, for example, mortgage-backed securities. When the price of an asset falls in one place, the shock quickly spreads across the globe.

Falling asset prices lead to a process of "deleverage" -- as hedge funds and banks sell assets to raise capital to make good on all the money that they borrowed, or because investors in those hedge funds want their money back. "...We seem to be dealing with a phenomenon I'll call the international finance multiplier, in which changes in asset prices are transmitted internationally through their effects on the balance sheets of highly leveraged financial institutions." The domino effect that the housing bust in the U.S. has had on financial markets all over the world is the most obvious manifestation of the international finance multiplier, but there have been previous instances of the same phenomenon.

The most memorable may be the 1998 crisis in which Russia's bond defaults brought down the hedge fund Long Term Management Capital to its knees, and caused other, less obvious side effects -- "when hedge funds lost a lot of money in Russia, they were forced to contract their balance sheets," writes Krugman, "and that meant cutting off credit to Brazil." "All economies now share leveraged common creditors," concludes Krugman, "so that balance sheet contagion has become pervasive. Today, we are all Brazilians."

samedi 27 septembre 2008

The Shock doctrine



Etant d'une humeur catastrophiste, et catastrophique, j'ai apprécié le style violent du dernier opus de Naomi Klein. Si le directeur du FMI a eu le temps de le lire pendant ses vacances, il doit en faire encore des cauchemars.
Ca c'est de l'horreur économique !
Joseph Stiglitz, le prix nobel qui avait déclenché les hostilités, trouve que les analyses économiques de Naomi sont simplistes, je veux bien le croire, et qu'elle se trompe en cela que les conséquences de la doctrine qu'elle décrit sont bien plus graves qu'elle ne le dit. On n'ose imaginer !

The Shock Doctrine, l'histoire de l'économie mondiale des cinquante dernières années racontée à la tronçonneuse... Tout ce que vos amis sud-américains se sont toujours escrimés à vous faire comprendre, réuni en un fort volume. C'est dur à digérer, un peu fort, disons que ça ne s'avale pas en cinq minutes.

En prime, une fort intéressante hitoire des origines de la torture moderne.

Tout ça pas vraiment guilleret, mais à l'heure où l'administration Bush se prépare à partir avec la caisse, et où DSK nous recommande aimablement depuis Washington de nous préparer au pire, let's brace for the shock, but beware the therapy !

samedi 20 septembre 2008

Combien de zéros ?


J'ai un secret honteux : j'adore les crashs boursiers. C'est idiot parce que finalement tout le monde en pâtit un jour ou l'autre, mais je me prends à lire bloomberg avec passion. Ce n'est pas un fond stalinien, plutôt une pente millénariste : is this the big one ? Les anglais ont une expression que j'aime beaucoup : a sense of impending doom. Le sentiment de l'approche de l'apocalypse. Ou une sensation de catastrophe imminente.

Toujours est-il que google news m'abreuve de billions de dollars qui manquent ici, trillions disparus là. Je ne sais plus trop où j'en suis ; au-delà du million, ça devient un peu flou.

Un million = 1 000 000. Fastoche. Un million de chez nous et le même qu'un million chez les Amerloques.

One billion ? A force d'entendre parler de billionaires, on se doute bien qu'il s'agit de milliardaires.
Et donc, one billion = un milliard = mille millions = 1 000 000 000

C'est avec les trillions que ça se corse. C'est mille fois plus, on peut déduire (mais difficilement imaginer).
One trillion = mille milliards = un million de millions = 1 000 000 000 000.
10 puissance 12, diraient les scientifiques, qui ont plus l'habitude des grands nombres que les contribuables.

Je croyais que les Français ces gagne-petit n'avaient pas de mot pour dire un trillion. J'ai quand même demandé à Lexilogos, qui m'a répondu qu'un trillion se disait en français un billion.

Ha ! Pas étonnant qu'on soit paumés. Donc one billion c'est un milliard et one trillion c'est un billion. Soit. Mais pire encore, lorsque je demandai, méfiante, la traduction de un billion en anglais, juste pour vérifier, le Larousse me répondit ceci :
billion [biljɔ̃] nom masculin
billion (united kingdom), trillion (united states)

Qu'est-ce à dire ? Si les Britanniques appellent un trillion un billion, comme nous, comment appellent-ils un milliard ? Oh ma tête. Mais les trillions vont devenir très à la mode à partir d'hier, et je vous parie que les Anglais comme les Français ne vont pas tarder à aligner leur vocabulaire sur celui des Américains, comme certainement les places financières l'ont fait depuis longtemps.

Préparons-nous donc à accueillir le trillion dans notre Petit Larousse, à défaut de l'avoir sur notre livret de Caisse d'Epargne.

US financial rescue plan could cost one trillion dlrs:

WASHINGTON (AFP) — US government measures to rid financial institutions of bad assets could add up to one trillion dollars, Republican Senator Richard Shelby said Friday.
"I figure it will be at least half a trillion," Shelby, the ranking member of the Senate Committee on Banking, Housing and Urban Affairs, said in an ABC television interview of a plan being put together by US authorities.
"But if you look at what the Fed has already done, and the extension of power to Treasury to deal with Fannie Mae and Freddie Mac, I believe we're talking about a trillion dollars," he said.


lundi 15 septembre 2008

DON'T PANIC !

J'emprunte encore à mon cher guide du routard intergalactique : pas de panique ! C'est ce qui est écrit sur la couverture du guide "in large and friendly letters". C'est ce que je me dis tous les matins en me levant (péniblement).
Et bien que je me sente encore plutôt comme Marvin the Paranoid Android, je tiens à remercier le nombre incalculable de mes lecteurs (au moins 5 ou 6 !) pour leur soutien et à les rassurer sur ma santé. Je sens que si ça continue et si tout va bien, et si aucune autre catastrophe n'arrive d'ici là, j'aurai bientôt assez de cervelle décongelée pour m'efforcer de reprendre mes activités éditoriales. Faudra pas attendre des étincelles, rapport au fait que les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) ne sont pas connus pour galvaniser l'inspiration.