dimanche 26 décembre 2010

Chroniques arctiques : le Pizzly

C'est la pagaille chez les ours. Ca, vous le savez déjà, depuis le temps qu'on vous montre des ours polaires piteusement perchés sur des bouts de glace tout rongés par le global warming.
Cependant les ours ne se contentent pas de poser pour le WWF, ils arpentent le Grand Nord à la recherche de leur pitance, d'un terrain viabilisé, d'un peu de fraîcheur, et plus si affinités.

Mais commençons par le début : le 26 avril 2006, un certain Jim Martell, après avoir allongé 45.000 dollars pour se munir d'un permis et d'un guide de chasse, eut la joie douteuse de tuer un ours polaire sur l'île de Banks, Territoires du Nord-Ouest, Canada.
Lorsqu'il présenta la dépouille mortelle aux autorités chargées de contrôler le résultat de ses déplorables efforts, celles-ci trouvèrent que son ours n'était pas tout à fait blanc, si je puis m'exprimer ainsi. Il avait des taches brunes autour des yeux, du nez et sur les pattes, invues chez les ours polaires, mais typiques des grizzlys.

La question avait son importance, car si la chasse à l'ours polaire est apparemment permise, la chasse au grizzly, elle, est passible d'une amende de 1000 dollars (canadiens) et jusqu'à un an de prison. On envoya donc promptement un poil de l'animal chez Wildlife Genetics International en Colombie Britannique, qui décréta qu'il s'agissait du fils d'un grizzly et d'une ourse polaire. L'histoire ne dit pas si Jim Martell a payé les frais d'analyse génétique, ou la moitié de l'amende. Ca va lui faire cher la descente de lit, à force.
L'histoire dit en revanche qu'après des mois de tergiversations et force polémiques au pays de Sarah Palin, l'ours lui a été rendu. Aux dernières nouvelles, il se ballade à travers les Etats-Unis avec son ours empaillé pour le montrer dans les hunting shows, histoire de rentabiliser l'aventure.

Jusqu'ici, rien de particulièrement excitant, car on sait depuis longtemps que les grizzlys et les ours polaires peuvent se reproduire en captivité.  Mais le 8 avril 2010, un chasseur autochtone du nom de David Kuptana, du modeste village de Ulukhaqtuuq (je préfère l'orthographe traditionnelle, si vous permettez) sur l'île voisine de Victoria tua un ours qui se révéla être le fils d'un grizzly et d'une mère elle même hybride d'ours blanc et de grizzly. Aha ! Ce qui prouve que non seulement les grizzlys et polaires peuvent se reproduire dans la nature, mais leurs enfants aussi.

Comment se fait-ce ? Christine Clisset, de Slate, s'est taillé un franc succès mérité sur le web en se lançant dans une explication détaillée de l'interfertilité. En principe, les différentes espèces ne se reproduisent pas entre elles "à cause de différences génétiques, physiologiques ou comportementales ; des changements dans le nombre ou la structure des chromosomes, des parties génitales de formes différentes, ou des époques ou rituels d'accouplements incompatibles."  OK, Christine, honey, we get the picture.
Par exemple, votre jument a 64 chromosomes, alors que votre âne n'en a que 62, voila pourquoi votre mule est stérile. En revanche, le grizzly et l'ours blanc, dont les populations ne seraient séparées que depuis environ 150.000 ans, ont des patrimoines génétiques plus proches même que celui des grizzlys avec d'autres ours bruns. Vous me suivez ?

Depuis les inuits nous affirment avoir vu maintes fois de ces ours hybrides que l'on prenait jusqu'ici pour des ours "blonds", ce que je trouve absolument délicieux. Il semble que contrairement à ce que voudrait la propagande, ce ne soit pas les ours polaires qui descendent de leur banquise rétrécissante, mais plutôt les grizzlys qui montent vers le nord. En tous cas, que ce soit chez toi ou chez moi, une nouvelle espèce pourrait apparaître, ce qui ne va pas sans donner du souci aux oursologues, qui ont observé que ces hybrides en captivité aiment les phoques, mais ne nagent pas si bien que ça. Notons que l'ours polaire a les pattes en partie palmées, alors que le grizzly a de longues griffes. Manquerait plus que l'ours blanc se mette à aimer les fruits des bois, alors qu'il ne sait pas grimper. Rien n'est simple.

Reste la question du nom. J'ai particulièrement apprécié l'intrépide incursion de Wikipedia (en anglais) dans la linguistique taxonomique.
En présence d'un animal hybride, la première réaction est d'utiliser ce qu'on appelle un mot-valise (en anglais c'est un autre objet, le portemanteau).  Comme le tigron pour le rejeton du tigre et du lion, qui lui est stérile, mais c'est une autre histoire. D'où le pizzly. Sympa mais un peu proche de la pizza à mon goût.

Là où ça se complique, c'est que par convention, tiens comme c'est étonnant, le mâle passe en premier dans la formation du nom, comme en Espagne, et donc, l'enfant d'un ours polaire et d'une grizzlie s'appellerait pizzly, alors que la progéniture d'un grizzly et d'une ourse polaire s'appellerait ours grolaire. Grolar bear en anglais, love that one. Ce qui fait que les cousins ne s'appellent pas pareils. Quant aux enfants du pizzly et de l'ourse grolaire, n'en parlons même pas.

Les experts de la conservation de la vie sauvage du Canada ont proposé "nanulak", formé avec les mots inuits pour l'ours polaire "nanuk", et pour le grizzly "aklak". Que cela ne vous donne pas des idées de prénom pour vos enfants, par pitié.

Une autre piste a été explorée par les zoologistes : en cherchant dans leurs vieilles fiches, ils ont trouvé un spécimen unique d'ours d'une espèce inconnue, répertorié en 1864 sous le nom d'"ours de MacFarlane", et qui pourrait bien être un pizzly. Ce dernier pourrait donc récupérer le nom scientifique dûment enregistré à l'époque dans le CINZ, le Code International de Nomenclature Zoologique : ursus inopinatus. Ce qui n'est pas mal non plus.

En résumé, le pizzly ne sait pas où il habite, ni quoi manger, et il ne sait même pas comment il s'appelle.
Pauvre bête...

Sources
http://en.wikipedia.org/wiki/Grizzly%E2%80%93polar_bear_hybrid

BBC Grizzlies encroach on polar bear territory :  http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/8531647.stm

Slate Pizzly bears : http://www.slate.com/id/2253332/
http://www.science20.com/fish_feet/rare_grizzly_polar_bear_hybrid_hunted
http://news.nationalgeographic.com/news/2006/05/polar-bears.html

samedi 11 décembre 2010

Noël virtuel

Personnellement je n'ai ni famille ni religion et le dernier qui m'a vue acheter un cadeau de Noël n'est pas jeune, c'est donc par pur altruisme que j'ai recherché pour vous des alternatives au foulard, au Prix Goncourt et à la boîte de chocolat...

Il m'est apparu que de nos jours nos maisons, appartements, studios, yourtes sont toujours trop petits et trop remplis de choses. Halte aux choses. Il faut arrêter d'en acheter, et d'en offrir. Si malgré tout vous persistez à vouloir participer au grand potlatch national et dépenser de l'argent, voici des cadeaux virtuels, élégants, amusants, voire utiles, et surtout qui ne prennent pas de place.

Autre avantage, les cadeaux virtuels s'achètent virtuellement par internet, depuis le confort douillet de votre salon, ce qui évite de passer un samedi de décembre dans les magasins, horresco referens.
D'un autre coté, être anglophone et muni d'un compte paypal, ça aide, mais bon, on n'a rien sans rien...

A Kiva gift certificate
Je commence par mon chouchou Kiva.org, site de micro-crédit, dont j'ai fait l'apologie enthousiaste en 2008 (voir Modern heroes).
On peut envoyer par mail une invitation à investir 25 dollars dans le commerce d'un quidam quelque part dans le monde. L'argent est remboursé, et on peut recommencer.
C'est donc un investissement durable, comme dit l'autre.

Un nom de domaine
La pub du site Give a.co explique que les noms de site de .com sont déjà tous pris et se revendent à prix d'or.
Le suffixe .co est né en juillet 2010, et il a apparemment du mal à prospérer puisqu'il fait des offres spéciales pour les fêtes. 35 $ pour le nom de domaine seul, 75 $ pour un pack "fabriquez votre website".
Songez à votre cousin qui s'appelle FabriceDurand128293@hotmail.com, alors qu'il pourrait s'appeler Moi@FabulousFab.co... Offrez des noms de domaines aux adolescents, ça boostera leur ego et garantira leur existence informatique, avec un peu de chance il apprendront le html au lieu de perdre leur temps sur facebook...

Un abonnement à Point de Vue
Oui, mais numérique.
Non ne riez pas votre grand-tante Marie-Appoline de La Motte-Beuvron n'est pas plus bête qu'une autre, elle sait très bien se servir de son ordinateur une fois qu'on lui a mis les icônes en grandeur maxi.
Elle aime beaucoup les histoires de rois et de princesses, mais comme elle ne jette rien, mieux vaut éviter l'abonnement papier...

Un certain nombre d'abonnements numériques sur discountpresse.com
17, 35 € les six numéros de Point de Vue, pas cher. Je m'aperçois à cette occasion que Point de Vue, autrefois célèbre sous le sobriquet "Coins de Rue Images Immondes" est devenu trimestriel. Splendeur et décadence...

Un film
Sur le site de touscoprod vous pouvez investir une somme modique (à partir de 9€ apparemment) ou pas dans la production d'un film, d'une vidéo ou d'un court-métrage.
Au pire l'heureux co-producteur sera invité à la première, ou au tournage, au mieux il sera remboursé, ou décuplera la mise (c'est arrivé une fois).

En attendant il pourra rêver qu'il est un requin d'Hollywood, un véritable player, c'est moins nauséabond que le gros cigare et moins onéreux que la piscine à débordement...



Un avion
L'association Aviation Sans Frontières lance une souscription pour acheter un nouvel avion. C'est un joli Cessna spacieux et costaud qui peut transporter du matériel médical et atterrir sur les pistes rustiques d'Afrique.
Pour 50€ (dont 66% déductibles des impôts) ASF vous donne un certificat purement virtuel pour votre part d'avion.
L'un des souscripteurs sera tiré au sort pour accompagner les volontaires d'ASF dans l'une de leurs missions en République Démocratique du Congo, histoire de vérifier que l'avion, lui, n'est pas virtuel. Mais si vous estimez que ce n'est pas un cadeau d'essayer d'envoyer vos amis à Kinshasa, je peux le comprendre, je suppose que l'on peut renoncer au bénéfice de la loterie...

La lune
Carrément.
Le site délicieusement rétro de l'Agence terrestre de propriétés lunaires vend des terrains sur la lune à partir de 13€ l'acre. Je la remercie d'ailleurs car j'apprends enfin qu'une acre fait 4047 m², chose que je n'ai jamais sue et n'ai jamais pris la peine de vérifier jusqu'à maintenant.
Pour la mer de la Tranquillité c'est plus cher (23,99€), car le site est plus pittoresque et plus proche du heu... de l'aluniport.
Je cite : "Votre package propriété contient également un titre de droit superbement parcheminé, une photo satellite de la propriété ainsi qu'un relevé d'informations contenant le détail géographique de votre région."
Quitte à être dans la lune, autant être maître chez soi, moi je dis...

vendredi 3 décembre 2010

Sauvons les sourcils !

Il faut dénoncer ici un horrible crime : chaque année des millions de sourcils sont assassinés dans l'indifférence générale. C'est un massacre, une hécatombe. Un véritable sourcilicide.
Je veux parler bien sûr du botox. Cette petite piqûre qui donne le front lisse et l'air vaguement surpris. Nous croyons tout savoir sur le sujet, mais examinons-le de plus près.

Le botulisme est une maladie connue pour vous tuer raide défunt si vous consommez le contenu d'une boîte de conserve pas fraîche. Mais vraiment pas fraîche, par exemple conservée dans le garage de la grand-mère depuis 1939, ou repêchée de l'épave du Titanic.
Dans le temps le botulisme sévissait à cause de la viande et des cochonnailles mal conservées ; il a été baptisé ainsi au XIXème siècle du latin botulus qui signifie saucisse, comme c'est charmant.

Conséquemment, la bactérie qui produit la protéine létale fut nommée, et s'appelle toujours, Clostridium Botulinum. Wikipédia nous apprend que la toxine botulique est un poison 40 millions de fois plus puissant que le cyanure, qui "provoque une paralysie généralisée flasque, contrairement à la toxine tétanique qui inhibe les neurones inhibiteurs de la contraction musculaire, induisant ainsi une paralysie généralisée spastique."
Je retire donc ce que je viens de dire, le botulisme ne vous tue pas raide, mais mou, j'ai confondu avec le tétanos, suis-je bête.




L'histoire continue dans les années 80 au Canada, où une certaine Jean Carruthers, ophtalmologiste, se servait de la toxine botulique à (très très) faible dose pour traiter le blépharospasme, ou clignement d'oeil incontrôlé. Son mari Alastair, qui était opportunément dermatologue, s'avisa que l'opération atténuait les rides dites glabellaires, celles qui se trouvent entre les sourcils. Leur première présentation de l'utilisation de la toxine botulique à des fins esthétiques devant un congrès scientifique en 1989 est accueillie par des ricanements sarcastiques. La même année, le Botox, fabriqué par Allergan Inc., est autorisé aux Etats-Unis pour le traitement des blépharospasmes et strabismes. 
La même Food and Drug Administration autorise en 2002 l'utilisation du Botox pour "améliorer temporairement l'apparence des rides de froncement modéré à sévère entre les sourcils". Jackpot pour Allergan, qui a fait 4 milliards de dollars de chiffre d'affaire en 2004, 6 milliards en 2006. D'après l'American Society of Plastic Surgeons, 4,8 millions d'injections ont été pratiquées aux Etats-Unis en 2009.

La paralysie induite par le botox est temporaire, elle dure entre trois mois et un an. Ce qui est bon pour le business, puisqu'il faut recommencer périodiquement, l'idée étant que le muscle qui ne travaille pas s'atrophie avec le temps.

L'idée de se débarrasser des muscles qui font bouger les sourcils me paraît absolument ridicule. Il faut dire que j'ai avec mes sourcils des relations étroites et chaleureuses. Je peux les agiter dans tous les sens, ensemble ou séparément, ce qui fait rire les âmes simples.

Comment se priver d'un tel moyen d'expression ? Le haussement circonflexe d'un sourcil n'est-il pas plus élégant qu'un long discours ? (Tu m'avais dit que tu étais célibataire et que tu vivais seule, dans ce cas que fait ce mégot de cigare dans le porte-savon de la salle de bains ?) 




Cette idée paraît d'autant plus farfelue lorsque l'on est acteur ou actrice, et payé en principe pour exprimer quelque chose. Je m'abstiendrai ici de donner des exemples, pas la peine de tirer sur les ambulances.

Là où l'affaire se corse, c'est que cette année une expérience réalisée par un certain David Havas, doctorant à l'Université du Wisconsin, tend à montrer que la paralysie des sourcils paralyse aussi un petit peu la comprenette.

L'expérience est simple, voire simpliste. On fait lire à quarante femmes des phrases censées évoquer la colère, la tristesse ou la joie, juste avant une injection de botox. On recommence après. Il semble qu'après ces cobayes mettent légèrement plus de temps à lire les phrases désagréables ou tristes. 



On a tiré de cette expérience publiée dans la revue de l'Association for Psychological Science des conséquences qui me paraissent exagérées. Pléthore d'articles dans la presse féminine ou pas annoncent que le botox supprime les émotions en même temps que les rides qui les expriment. 

Il est vrai que depuis Darwin on a remarqué une certaine rétro-action des expressions du visage sur les émotions ressenties, les deux se renforçant réciproquement. Essayez de lire n'importe quel texte en faisant la gueule et fronçant les sourcils, ou avec un sourire béat de lou ravi, vous verrez tout de suite la différence.

En réalité, une autre expérience similaire avait été réalisée en 2008 par un certain Bernhard Haslinger, de l'Université de Munich, mais cette fois en mesurant au scanner l'activité cérébrale des cobayes, et avait montré que l'amygdale, zone du cerveau associée en gros à la réponse émotionnelle, était moins activée chez les personnes dont les expressions sont paralysées.

De là à dire que le botox vous transformera en zombie dépourvu de toute sensibilité, ou pour les optimistes vous mettra à l'abri des soucis, il y a un bond de géant que j'hésite à franchir sans élastique.

Le Pr Glenberg, le directeur de thèse de David Havas, est plus circonspect : "Même si l'effet est minime, dans une conversation, les gens doivent répondre à des signaux très rapides et subtils de compréhension mutuelle, d'intention et d'empathie. Si vous êtes légèrement plus lent à réagir quand je vous raconte quelque chose qui m'a vraiment mis en colère, cela pourrait me signaler que vous n'avez pas reçu mon message."

A mon avis, le plus gênant c'est quand même d'écouter l'histoire de votre ami qui a les boules avec le visage impavide de (Ach ! Je me suis promis de ne pas citer de noms !) d'un poisson bouilli, à cause de l'effet physique du botox, indépendamment du fait que vous compreniez vite ou pas son problème.

Par ailleurs, blondes will be blondes, et comme la plupart des femmes botoxées sont des mannequins, des actrices ou des trophy wives, qui aurait l'idée de tenir à ce genre de femme des discours empreints de tristesse ou de colère ? Votre psychanalyste n'est-il pas payé pour ça ? Lequel psychanalyste peut également se botoxer, puisque son attention doit être neutre et bienveillante. Et c'est ainsi que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possible...



Sources : 
http://discovermagazine.com/2008/nov/15-why-darwin-would-have-loved-botox/article_view?b_start:int=2&-C=
http://www.psychologicalscience.org/index.php/news/releases/can-blocking-a-frown-keep-bad-feelings-at-bay-2.html
http://scienceblogs.com/neurophilosophy/2010/04/botox_may_diminish_the_experience_of_emotions.php
http://www.mediapart.fr/club/blog/etoile66/241110/le-botox-supprime-les-rides-et-les-emotions
http://news.doctissimo.fr/le-botox-peut-il-egalement-figer-vos-emotions-_article7077.html

jeudi 25 novembre 2010

Eloge du pavé

Vous lisez un roman (du moins j'espère). Vous tournez les pages. Insensiblement votre attention s'égare. Est-ce bien de la blanquette que m'a vendue ce boucher qui avait l'air d'un faux jeton ? Et ai-je commencé à rembourser le capital de mon crédit immobilier ? Je dois avoir un plan d'amortissement quelque part...
La fin du chapitre vous ramène au texte.  Rien dans les pages auxquelles vous n'avez pas prêté la moindre attention n'est indispensable à la compréhension de la suite, et vous continuez paisiblement votre lecture. Vous finirez ce livre, vous le qualifierez de "pas mal".

Parfois c'est pire, ce qui vous distrait de votre lecture n'est pas une préoccupation oiseuse mais la sensation que ce livre est... comment le dire autrement ? Un peu chiant... Vous êtes à la page 80. Il en reste 130. Heureusement ce n'est pas un gros pavé, voyons si ça s'arrange un peu plus loin. Vous finirez aussi ce livre. Il sera qualifié de "pas terrible".

Il y a les livres qui sont "vraiment bien". Ceux dont on n'interrompt la lecture que la mort dans l'âme : Houla 2H15, il faut que je dorme ! Une promenade dans la forêt ? Mmm.. partez devant, je vous rejoins... Et Mademoiselle, c'est le terminus ici, il faut descendre !
Un jour que j'étais invitée à passer quelques jours chez des gens très chics (et très polis, heureusement) j'ai prétexté un malaise en arrivant pour aller m'allonger dans la chambre d'amis et finir le roman policier que j'avais commencé dans le train !

Et puis il y a une autre classe de livres. Les seigneurs livres, comme on dit en espagnol.
Ceux qui sont non seulement très beaux, mais en plus très gros. On s'en aperçoit tout de suite, au bout de trois pages. Ce n'est pas l'ennui qui vous pousse alors à regarder le nombre de pages, mais la jubilation : 750 pages ! Yesss !
Ca y est vous êtes arrivé, installé pour plusieurs semaines dans un ailleurs meilleur.
Il est temps de déguster, et de prendre son temps. Il y a des chefs d'oeuvre dont chaque phrase est un chef d'oeuvre, chaque paragraphe, chaque chapitre. Cette beauté comme qui dirait fractale donne une impression d'éternité. N'ayant aucune intention d'atteindre la fin, on n'est plus pressé du tout.

Prenez Hilary Mantel. Cette femme est incroyable. C'est peu dire qu'elle n'avait rien pour elle. Née au fin fond du Derbyshire, diplômée en droit, employée dans un hôpital gériatrique, victime de plus d'une maladie débilitante qui la rend moche à faire peur et à moitié cinglée, pourquoi, comment a-t-elle commencé à écrire à l'âge de 22 ans un roman historique sur la révolution française ?
J'en suis baba.
Disons que ce sont les aventures de Danton, Robespierre et Camille Desmoulins, depuis leur naissance jusqu'au seuil de leur mort. Mes connaissances historiques ne me permettent pas de savoir si les détails, ou même les grandes lignes, sont véridiques, et d'ailleurs je m'en fous.
Je lis, et je m'arrête parce que c'est beau. Je relis et relis. J'essaie de traduire en français, en vain évidemment.
La visite de Louis XVI à Louis-le-Grand. Deux pages. Une histoire qui se tient toute seule, parfaite.
Le portrait de Charlotte Corday. Un paragraphe qui ne ressemble à rien de ce qu'on pourrait imaginer.
872, huit cent soixante douze ! pages de bonheur. Aaaah....
Il n'est pas encore traduit à ma connaissance, mais ça ne saurait tarder.

Hilary Mantel est devenue un "best-selling author" parce qu'elle a obtenu le Booker Prize pour Wolf Hall, tout aussi excellent roman qui raconte une partie de la vie de Cromwell, ce qui intéresse plus les Anglais, on suppose. Ce n'est pas pour cela que ses romans, à part Wolf Hall, sont faciles à trouver (voir article précédent : Extinction massive aux Etats-Unis).

Ces longs plaisirs sont rares, et ne sont pas les mêmes pour tout le monde, question de goûts, sinon ce serait trop simple. En général, ce sont des romans, mais pas forcément, je me souviens d'un recueil de correspondance entre Evelyn Waugh et Nancy Mitford, et d'un traité de génétique des populations, mais bon, chacun son truc...


Si l'expérience vous tente ou vous manque, je me hasarderai néanmoins à proposer une sélection.


Je ne vais pas citer La recherche, soyons honnêtes, il y a des passages et même des volumes entiers qui sont d'un ennui profond. Mais les deux volumes de Sodome et Gomorrhe, oui. Je ne les ai pas sous la main. Ca doit faire 800 pages les deux volumes.



La vedette : Belle du Seigneur, 1968, 1110 pages dans l'édition Folio.



Qui n'a pas lu Le Maître et Marguerite ? Un délire total, diables, sorcières, asiles de fous et Ponce Pilate en guest star, écrit dans les années 30, abondamment censuré, publié seulement en 1973.
577 pages dans cette édition Pocket.

Le bûcher des vanités, 1987, 917 pages dans l'édition du Livre de Poche.





Byatt : Possession, 1990. Erudit, étincelant, littéraire en un mot.
Snobement je ne possède pas d'édition en français.
Plus de 500 pages.


Vikram Seth : Un garçon convenable. La Recherche du temps perdu du XXIème siècle.
1121 pages dans cette édition. 1800 pages en deux volumes dans le Livre de
Poche. Olé !

mercredi 17 novembre 2010

Extinction massive aux Etats-Unis

Ah New York ! Barnes and Noble's ! Je frémissais déjà à cette idée.
J'avais un souvenir ému de la librairie Barnes and Noble de la 5ème avenue, dont j'avais été expulsée par la sécurité pour avoir ri trop fort, il y a hem, plus de vingt ans. Pour la petite histoire, j'étais rentrée, avais avisé un livre de Woody Allen, l'avais ouvert au hasard et avais lu : "You don't have to be jewish to be a schmuck." So true.
Anyway je me préparais à passer de longues heures de bonheur dans ces cathédrales de la littérature en me tenant à carreau et à distance des ouvrages humoristiques pour ne pas me faire virer.
Pour faire les choses en grand, je me rendis directement à Union Square, son Université, ses étudiants désargentés, etc., la place Saint-Michel de New York, en plus grand.
Et là je trouvai une librairie Barnes and Noble de cinq étages qui est effectivement grande et belle comme disons, les Galeries Lafayette.
Mais voilà, un malaise diffus ne tarda pas à m'envahir : il n'y a pas de livres.
Ca paraît incroyable, et pourtant c'est vrai.
Je m'explique : les seuls véritables livres se trouvent sur les deux premières tables que vous voyez sur la photo. Sur la première, les best sellers de fiction (incluant les romans policiers), sur la deuxième, les best sellers de non-fiction. Ensuite, il y a les "self help" genre auquel l'Europe a jusqu'à présent pas mal résisté. (Comment se faire des amis, dresser votre chien, réussir en affaires, baiser votre femme, etc.) Puis les guides touristiques, le  marketing et le "business", l'informatique, le jardinage, l'artisanat, la cuisine, que sais-je. Tous ouvrages que je classe dans les guides pratiques, mais qui ne sont pas ce que j'appelle des livres.

Notez qu'il n'y a pas beaucoup d'étagères. Il y en a en effet contre les murs. C'est très intéressant. Les livres n'y sont pas rangés sur la tranche, comme, well, des livres, mais à plat, comme des je sais pas quoi, des estampes japonaises, des photos de mariage.
Vous remarquerez que sur chaque étagère il y a plusieurs fois le même livre, et ce sont les mêmes que ceux qui sont sur les fameuses deux premières tables.
C'est normal, me dis-je, les best sellers ont la place d'honneur à l'entrée du rez-de-chaussée. J'ai donc exploré tous les autres étages dans tous leurs recoins, d'ailleurs il n'y a pas de recoins because absence d'étagères. Mon malaise diffus se transforma en panique. Dans les autres étages, il n'y a PAS DE LIVRES DU TOUT !! Il y a des cartes postales, industrie tentaculaire aux Etats-Unis, on se demande pourquoi vu qu'ils n'écrivent pas et que leur Poste est lamentable, mais bon. Il y a des jouets, des puzzles, des posters, des DVD bien sûr, de la papeterie, des millions d'agendas et de calendriers, des stylos, des cadres, des appareils photos, des piles. Outrage suprême, des ordinateurs à disposition pour lire (ou même acheter ?) des e-books.
Si je comprends bien vous pouvez aller chez Barnes and Noble pour commander par internet sur Amazon le livre que vous voulez. Etrange.
Croyez-moi, j'ai visité d'autres grandes librairies de New York, Borders de Park Avenue, Barnes sur Lexington, elles sont toutes comme ça. Je promets qu'il y a moins de titres différents dans ces établissements de minimum 2.500 m² que dans un relais H de la gare de votre choix.

Pour me remonter le moral, je descendis chez Strand, où là, oui, il y a des étagères, avec des vrais livres dedans. 18 miles of books, proclame la devise de Strand. Fondée en 1927, c'est un dinosaure, une institution et le seul survivant de ce qui était jadis connu sous le nom de Book Row, le passage des livres, où plus de trente bouquinistes s'alignaient entre Union Square et Astor Place, sans compter les quidams qui vendaient leurs livres sur le trottoir.
Strand suit le même agréable principe que Gibert, les livres neufs et d'occasion sont ensemble, on peut choisir son édition. Ils vendent aussi des livres anciens et rares, et ils vendent ou louent des livres au mètre sur mesure, pour les cinéastes, ou les décorateurs...
Au passage, je n'y ai pas trouvé le livre que j'étais plus spécialement venue chercher, ni nulle part ailleurs aux Etats-Unis, ça va sans dire. Pourtant l'auteur a gagné le Booker Prize, ce n'est pas exactement un obscur nobody.
Ce soir là (Strand ferme à 22H30, Darwin bless them) c'était l'émeute parce que James Ellroy signait ses mémoires. Comme je n'aime pas parler aux écrivains, je suis timide, je suis revenue un autre jour acheter les livres déjà signés.

Mais bref, entre temps je m'en fus continuer mon enquête à Washington. Voila une ville de gens sérieux, pensai-je, où la vie nocturne n'est pas tellement folichonne, peut-être ont-ils des livres ? Une autre surprise m'attendait...

Dans le quartier cossu de Dupont Circle où j'avais élu domicile, mes pas me portèrent tout naturellement vers cette librairie qui porte le nom alléchant de Books a Million. Et là, l'aventure vira au tragi-comique. Je découvris le concept de librairie de province (paradoxalement, s'agissant de la capitale) et donc de droite. Il y a là une table de fiction à peu près normale avec les mêmes thrillers qu'ailleurs. Sur la table de non-fiction, ça se gâte : il n'y a que des pamphlets politiques écrits par les vedettes de Fox News, genre "Comment se débarrasser d'Obama", "Obama terroriste islamique", "Obama socialiste assoiffé de sang", "Obama mangera vos enfants", etc. J'exagère à peine. Ce que racontent ces gens qui vendent des centaines de milliers d'exemplaires, c'est terrifiant.
Derrière il y a effectivement des rayonnages avec des milliers de choses qui de loin ressemblent à des livres.

Approchons-nous : Heroic Fantasy. Vampires. Young adults (ah oui, j'avais oublié ça ! Des millions de livres spéciaux pour adolescents ! A quoi ça sert ? De mon temps on lisait Jack London, Alexandre Dumas et Joseph Kessel à partir de dix ans et on faisait pas chier...). Sentimental (genre Barbara Cartland, il y a différents sous-genres avec plus ou moins de sexe dedans, mais on les reconnaît parce qu'il y a toujours des paillettes collées sur la couverture.) Tourisme, jardinage, travaux manuels en tous genres. Chasse, pêche, sports ! Des kilomètres de base-ball.

Mais j'ai gardé le meilleur, et le plus exotique, pour la fin. Un rayon entier de bibles. Puis un rayon entier de "littérature chrétienne". Puis un rayon entier de "Christian living". Si vous ne le voyez pas, vous ne le croyez pas, c'est pourquoi je les ai pris en photo.


C'est donc maintenant démontré, ces gens ne sont pas comme nous. Ils ne peuvent pas lire les mêmes romans que les gens normaux. Ils n'ont même pas les mêmes guides pratiques que les autres. C'est dingue.

Attention ne croyez pas que les chrétiens aient le monopole ! Pour démontrer sa largeur d'esprit, la librairie ouvre ses rayons à d'autres freaks, sous la catégorie "New age". On trouve là en vrac la sorcellerie, une religion très à la mode sous le nom de Wicca dont personne n'a jamais entendu parler en Europe, fort heureusement, les incontournables vampires, voyants, liseurs de cartes, en gros ce qu'on appelle en France l'ésotérisme.


Une autre chose déroutante est le concept etatsunien de "non-fiction". En français on dit "essais". Mais le mot essai conjure dans l'esprit du béotien un robuste ouvrage difficile, voire ennuyeux, sur des sujets élevés et abstraits, genre L'être et le néant. Alors là, vous n'y êtes pas du tout.
Encore une fois, il faut le voir pour le croire. Admirez donc la liste des thèmes placés dans la catégorie "non-fiction".
Informatique
Jardinage
Animaux domestiques
Cuisine
Biographies (pas de Robespierre ou de Lincoln, plutôt de joueurs de baseball).
Voyages
Maintenant, devinez où j'ai pris cette photo : à Chilicothe, Ohio ?
Pas du tout : à la New York Public Library !
Je l'ai montrée à Andrew, le patron de la librairie d'occasion Kultura, à Washington. Ca l'a bien fait rire, pour ne pas pleurer. Chez lui, il y a des livres qui parlent de choses comme l'histoire, la politique, les arts. La Kultur quoi !

Moralité, dans ce pays on ne vend plus de livres neufs à part les hyper-sellers, sauf sur internet, je suppose. Les seuls vendeurs de livres sont les bouquinistes.

On comprend mieux alors pourquoi tout le monde lit le même livre (voir "La grippe éditoriale" du 3 juin 2009). C'est parce qu'il n'y en a pas d'autre !

Or comme chacun sait, les Etats-Unis préfigurent l'évolution économique et sociale de l'Europe. Vous pouvez donc vous inquiéter, et aller par précaution respirer l'air poussiéreux de L'Harmattan, par exemple, une librairie bien bordélique, avec des livres improbables, comme on les aime....

Et alors ? C'est tout ? Vous ne vous tordez pas les mains en gémissant ? Je vous rappelle que je n'ai toujours pas trouvé le livre que je cherchais, et ça ne vous fait rien ? Ingrats !
Laissez-moi vous raconter tout de même  la fin de l'histoire : c'est à la librairie anglaise d'Antibes, Alpes Maritimes, que j'ai trouvé le livre en question. J'ai félicité la propriétaire, en lui disant qu'il y avait plus de livres dans sa boutique que dans tout New York. Elle a cru à une hyperbole, alors que c'était la pure vérité.
En plus, ça valait bien le détour par Antibes, car je m'en délecte depuis chaque jour. Ca s'appelle A Place of Greater Safety, de Hilary Mantel. J'en parlerai une autre fois.

jeudi 19 août 2010

Chefs d'oeuvre méconnus

Comme l'année dernière six chefs d'oeuvre méconnus, mais je suis un peu en retard pour les vacances : disons pour la rentrée.

Saki, de son vrai nom Hector Hugh Munro, n'est pas un Japonais mais un Anglais absolument victorien et colonial.
Il est mort dans les tranchées de France en 1914. On dit que ses dernières paroles furent : "Eteignez-moi cette foutue cigarette."
L'insupportable Bassington est un court récit qui à mon avis est un pur joyau, ce qu'on obtient en trempant du Wodehouse dans le vitriol, la quintessence du style anglais.











Jacques Serguine est plutôt connu pour ses romans érotisants et son obsession pour les fesses. Rien à voir avec ce roman-ci, mais alors rien du tout.
La nation du loup est la tribu d'un Indien d'Amérique, si on peut l'appeler ainsi anachroniquement, qui s'appelle Ours qui se tait.
Ca se passe au XVIème siècle et les envahisseurs ne sont pas encore arrivés jusque chez lui. On saura tout de ses idées sur la vie, la mort, la famille, la religion et ses plus secrètes pensées. Radicalement dépaysant.

Si vous n'avez jamais vu The Celuloid Closet, hâtez-vous de vous le procurer par tous les moyens : c'est le documentaire qui vous donne l'impression que vous devez revoir tous les classiques américains, avec un autre oeil...
Parmi des millions d'informations, une lecture hilarante de Spartacus, et une nouvelle occasion de vénérer Susan Sarandon. 












Vous n'aimez pas la boxe ? Moi non plus. Aucune importance.
Le match organisé à Kinshasa le 30 octobre 1974 par ce fou de Don King, et payé par Mobutu, entre le champion du monde George Foreman et le trop bavard Mohamed Ali, ci-devant Cassius Clay, n'est que le dénouement d'une histoire passionnante qui parle de politique, de psychologie, de musique, d'histoire, de la confrontation entre deux univers mentaux, le Zaïre et les Etats-Unis.
"The world will be stunned" promet Mohamed Ali. And it was.

http://www.youtube.com/watch?v=nUSxWilW9is








Let me love you
Let me show that I do
Let me whisper it
Mmm... let me sigh it..

Si cette chanson enregistrée en 1956 ne vous envahit pas d'une insupportable langueur érotique, c'est que vous êtes mort.
I've Got a Crush on You est aussi une absolue perfection.

Dinah Washington a eu huit maris avant de mourir à 39 ans d'une overdose de barbituriques. C'est dire si elle sait de quoi elle chante...






D'aucun prétendent que la carrière de David Bowie s'est arrêtée en 1983 avec Let's Dance, et je suis assez d'accord avec eux.
Pourtant Tonight est un petit bijou méconnu enregistré à Québec en 1984, pendant que vous étiez occupés à écouter Smooth Operator ou pire, Frankie Goes to Hollywood...
La chanson Tonight enregistrée avec Tina Turner est une espèce d'hymne qui mérite d'être écouté très fort dans un état de conscience altéré, comme disent nos amis anglo-saxons.
Il y a aussi trois titres écrits avec Iggy Pop, dont un improbable simili-reggae, Don't Look Down.

samedi 24 juillet 2010

My Scary Azeri sister

Scary Azeri is certainly Azeri but she is not scary. She lives in Great Britain, this inexhaustibly weird country, where she finds herself amused, puzzled, inspired by every little thing and writes wittingly about it.
She is also slightly dumbfounded by the number of people insisting that they have a religion or that there is a God. In her Sovietic youth, as she puts it, she was told "Religion is the opiate of the people".
This reminds me of the story of the dyslexic insomniac who spends his nights awake wondering whether there is a Dog. I think it comes from David Foster Wallace's book Infinite Jest. Anyway...


I know too well this particular feeling of confusion and disappointment produced by suddenly discovering that what we believed to be a bunch of freaks are actually the vast majority. My youth was not Sovietic, but it was French, and I was raised believing that religion was a cultural phenomenon belonging to the past, like horse-drawn carriages and drawbridges.
Alas, my dear Azeri sister, we've been deceived...


http://scaryazeri.blogspot.com/
http://scaryazeri.blogspot.com/2009/07/there-is-probably-no-god.html
http://www.gallup.com/poll/114211/Alabamians-Iranians-Common.aspx
http://en.wikipedia.org/wiki/Religion_in_France

lundi 19 juillet 2010

Monumentos da bossa nova : Dindi

Prononcer "Djindji" please...

Música : Antonio Carlos Jobim, en hommage à Sylvia Telles
Letra : Aloysio de Oliveira
1959

Céu, tão grande é o céu
E bandos de nuvens que passam ligeiras
Pra onde elas vão? Eu não sei, não sei...
E o vento que fala nas folhas
Contando as histórias que são de ninguém...
Mas que são minhas e de você também...

Ah! Dindi... Se soubesses o bem que te quero
O mundo seria Dindi, tudo, Dindi, lindo, Dindi...
Ah! Dindi... Se um dia você for embora me leva contigo, Dindi
Fica Dindi...Olha, Dindi...

E as águas desse rio onde vão eu não sei
A minha vida inteira esperei, Esperei...
Por você, Dindi
Que é a coisa mais linda que existe
Você não existe Dindi
Olha Dindi...Deixa Dindi...Que eu te adore Dindi...

Paroles décentes en anglais par Ray Gilbert

Sky, so vast is the sky,
With far away clouds just wandering by,
Where do they go? Oh I don't know, don't know;

Wind that speaks to the leaves
Telling stories that no one believes,
Stories of love belong to you and to me.

Oh, Dindi, if I only had words I would say
All the beautiful things that I see
When you're with me, Oh my Dindi.

Oh Dindi, like the song of the wind in the trees
That's how my heart is singing Dindi
Happy Dindi, When you're with me.

I love you more each day, yes I do, yes I do
I'd let you go away, if you take me with you.
Don't you know, Dindi,
I'd be running and searching for you
Like a river that can't find the sea
That would be me
Without you, my Dindi.
 
Tom Jobim et Gal Costa
Maysa, 1975
Ella Fitzgerald, Montreux 1979

mardi 13 juillet 2010

Qu'est-ce qu'un blog ?

Notre Ministère de la Kultur voudrait nous faire remplacer le mot "blog" par "bloc-notes". N'importe quoi.
Mais au fait, d'où vient le mot "blog" ?

Un log, c'est un journal de bord, un registre. Concrètement un cahier où une ou plusieurs personnes écrivent ce qu'elles ont à dire à intervalles réguliers en indiquant la date.

Comme dans la Marine ; un jour un capitaine de navire écrivit dans le journal de bord : "Hier le second était îvre." Quand ce fut son tour de tenir le journal de bord, le second écrivit : "Ce matin le capitaine était sobre."

De la même façon, on signe un registre avec le jour et l'heure lorsqu'on entre dans un périmètre surveillé ou commence une tâche réglementée. D'où l'expression : to log in.

Or donc "blog" est une abréviation de "weblog", ou journal tenu sur le web, pardon, sur la toile. Plus exactement c'est une aphérèse.
Une aphérèse consiste à raccourcir un mot en enlevant le début plutôt que la fin. C'est une chose qui arrive lorsque le début du mot n'est pas dispo parce qu'il signifie déjà autre chose. Par exemple, le bus, le car, le blog, les Ricains (encore que les Amers auraient eu leur charme. D'ailleurs à ce propos je propose de remplacer les Ricains par les Zuniens). En anglais on dit maintenant bot pour robot.

Les aphérèses sont infiniment plus rares que les abréviations normales, et j'en fais collection. C'est pas cher, et ça tient pas beaucoup de place. C'est comme les hapax...

Mais ne nous égarons pas. Un blog ne sera jamais un bloc-notes ni un journal sur la toile pour une raison simple, c'est qu'il n'a qu'une syllabe. C'est parce que l'anglais est formé majoritairement de mots unisyllabiques qu'il est et restera maître du monde, et de la toile. L'anglais économise du temps et de l'espace.

On peut organiser des courses de mots en comptant les syllabes : Fast ! Quick ! Schnell ! Vite ! Rápido ! L'espagnol est déjà en rade...

Prenons les pitoyables suggestions de francisation du vocabulaire de l'internet, dans cet article de blog, justement.
Tease = aguichage : 1 à 3. Buzz = bouche à oreille : 1 à 4. World Wide Web = toile d'araignée mondiale : 3 à 6.
(World Wide Web à une autre particularité : c'est la seule expression dont l'acronyme WWW est plus long à prononcer que l'original...)

La plus écrasante défaite à la course des mots que je connaisse se trouve dans le métro, entre l'anglais et l'espagnol.
Lorsque la station est en courbe, et qu'il convient d'inviter les passagers à ne pas tomber dans le trou entre le train et le quai, une voix suave d'hôtesse de l'air vous débite dans le métro de Madrid le discours suivant : "A la parada del tren, tenga cuidado de no introducir el pié entre coche y andén." Soient 27 syllabes. Et je ne compte pas la pause élégante, sans doute due au hiatus, entre "pié" et "entre".
A New York, une grosse voix grave tonne : "Mind the gap !"

Beaucoup plus efficace, mais beaucoup moins érotique. Ce doit être ça le choc des civilisations...

jeudi 8 juillet 2010

Something fishy

Chers lecteurs, votre vie va changer. Voici enfin le guide que le monde attendait pour aller au restau, particulièrement pendant les vacances au bord de la mer. Après vingt ans d'ignorance, de désarroi, interrogations et bewilderment à travers le monde devant la carte des poissons, je me suis enfin décidée à agir. Voici des poiscailles avec leurs portraits, et petits noms en français, latin, anglais, espagnol, italien, portugais.

Aiglefin, églefin, ou haddock
Melangrammus aeglefinus
Haddock
Eglefino
Asinello, eglefino
Eglefino, arinca, hadoque

 
Anchois
Engraulis encrasicolus
Anchovy
Anchoa (s'ils sont marinés au vinaigre : boquerones)
Acciuga
 Anchova, enchova, anchoveta


Anguille (alevin : civelle)
Anguilla anguilla
Eel
Anguila (alevin : angula)
Anguila
Enguia


Bar
Dicentrarchus labrax
European sea bass, branzini, bronzini
Lubina
Spigola, branzino, spigola
Robalo


Barbue
Scopthalmus rhombus
Brill
Rémol (joli !)
Rombo liscio
Rodovalho


Baudroie, lotte de mer
Lophius piscatorius
Anglerfish
Rape
Rana, rospo, martino
Tamboril, peixe-sapo


Bonite
Sarda sarda
Bonito
Bonito
Palamita
Bonito


Brochet
Essox lucius
Pike
Lucio
Luccio
Lúcio


Cabillaud, morue, stockfish lorsqu'elle est séchée
Gadus morhua
Cod
Bacalao
Merluzzo bianco, baccalà, stocco lorsqu'il est séché
Bacalhau


Calmar
Loligo forbesi
Squid
Calamar
Calamaro, totariello
Lula


Chinchard, saurel
Trachurus trachurus
Horse mackerel, scad
Jurel, chicharro
Suro, sugarello
Carapau



Congre
Conger conger
Conger
Congrio
Congro
Congro


Dorade et dorade rose
Sparus aurata et Pagellus bogaraveo
Bream, gilt headed bream et sea bream
Dorada et esparido
Orata et pagro, pagello occhialone
Dourada


Eperlan
Osmerus eperlanus
Smelt
Eperlanos
Sperlano


Esturgeon
Acipenser sturio
Sturgeon
Esturión
Storione, sterlet
Esturjão, solho


Flétan
Hippoglossus hippoglossus
Halibut
Halibut, fletán, pez mantequilla
Halibut
Hipoglosso



Grondin
Eutrigla gurnardus
Gurnard, sea robin
Rubios
Pesce capone
Peixe roncador





Hareng (mariné : rollmops)
Clupea harengus
Herring (saur : kipper)
Arenque
Aringa
Arenque



Lieu jaune
Pollachius pollachius
Pollock, pollack
Abadejo
Merluzzo giallo
Bacalhau


Lieu noir
Pollachius virens
Saithe, coal fish, Boston blues
Palero, carbonero
Merluzzo nero
Escamudo, escamudo-negro




Limande
Limanda limanda
Dab
Limanda
Limanda
Solha


Limande sole et flet
Microstomus kitt et Platichtys flesus
Flounder, lemon sole, fluke
Platija
Passera pianuzza
Linguado

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Lotte : voir Baudroie
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Loup
Anarhichas lupus, Narrhichas lupus
Atlantic Catfish, wolffish, sea wolf
Perro del norte, pez lobo
Pesce lupo, lupo di mare
Barbo




Maigre, aigle de mer
Argyrosomus regius
Meagre, shadow fish
Corbina, corbo
Bocca d'oro, ombrina
Corvina, borregata, rabeta, corvinata


Maquereau
Scomber scombrus
Mackerel
Cabella
Maccerello, sgombro
Cavala



Merlan
Merlangus merlangus
Whiting, silver hake
Merlán, plegonero, liba
Merlano
Pescada, marmota


Merlu (comme vous voyez ce serait une grave erreur de confondre merlan et merlu)
Merluccius merluccius (même si pour les deux les taxonomistes chargés d'attribuer les noms latins ne se sont pas foulés)
Hake
Merluza
Nasello
Merluza, merluça



Mérou
Epinephelus marginatus
Grouper, sea bass
Mero, cherna
Cernia, perchia
Garoupa, cherne, mero, marelaço, galinha-do-mar ou piracuca

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Morue : voir cabillaud
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Orphie, aiguille de mer, Bécassine de mer
Belone belone
Garfish
Aguja
Aguglia
Agulha


Perche
Perca fluviatilis
Perch
Perca
Persico
Perca


Plie, carrelet
Pleuronectes platessa
Plaice
Solla
Passera
Solho



Poulpe
Octopus vulgaris
Octopus
Pulpo
Polpo di scoglio
Polvo





Raie
Rajidae, batoidea (familles)
Ray, skate
Raya
Razza
Raia, arraia




Rascasse
Scorpaena porcus
Scorpionfish, rockfish
Rascacio, cabracho
Scorfabo
Rascasso, escoperna



Requin
Carcharinidae (famille)
Shark
Tiburón
Squalo
Tubarão



Rouget
Mullidea
Goatfish
Salmonete
Triglia
Salmonete, ruivo, cabrinha



Saint-Pierre
Zeus faber (joli nom)
John Dory (joli nom aussi, qui pourrait venir du français jaune d'or)
Pez de san Pedro
Pesce san Pietro





Sandre
Stizostedion lucoperca
Pike perch
Lucioperca
Sandra, lucioperca
Lucioperca


Sardine, pilchard
Sardina pilchardus
Pilchard
Sardina
Sardina
Sardinha



Saumon
Salmo salar
Salmon
Salmon
Salmone
Salmão




Seiche
Sepia officinalis
Cuttlefish
Sepia, choco
Sepia, sepiola
Sépia, choco



Sole
Solea solea
Sole
Lenguado, soldado
Sogliola
Solha


Surubim
Pseudoplatystoma coruscans
Le surubim est un poisson du bassin de l'Amazone. Il n'a pas d'autre nom que surubim, mais c'est le meilleur poisson du monde, de très loin. Si vous allez au Brésil, ne le ratez pas...


Thon
Thunnidae
Tuna, tunafish
Atun
Tonno
Atum


Truite
Salmo trutta
Trout
Trucha
Trota
Truta



Turbot
Psetta maxima
Turbot
Rodaballo
Rombo chiodato
Rodovalho



Voila voila... On ne vous fera plus prendre les vessies pour des lanternes, ou les merlans pour des turbots. Si vous n'arrivez toujours pas à identifier le poisson qui vous regarde d'un oeil mort depuis votre assiette, il y a absolument tous les poissons de Méditerranée avec leurs noms dans des tas de langues improbables dans le site http://www.sportesport.it/fishes.htm

Autrement, si vous préférez la viande, voyez l'article du 25 novembre 2007, Churrasco