vendredi 18 mars 2011

La Mort à Samarra

Ici : Remarque liminaire

Cet article a été écrit il y a quelques semaines, avant que des tas de gens se mettent à fuir des tas de choses. Il n'y a donc à y voir aucune allusion à l'actualité, qui serait d'un mauvais goût certain.

C'est une histoire.
L'histoire se passe à Bagdad, il y a looongtemps.
Dans son Palais, le Sultan de Bagdad réfléchit au destin de l'Empire (à l'époque il y avait plus de Majuscules que maintenant), lorsque l'un de ses chevaliers irrupte dans son bureau en faisant fi du Protocole et du Chambellan médusé.
Il se jette aux pieds du Sultan : "Sire, Sire ! Pour l'amour de votre Eminence ! implore-t-il, Laissez-moi vous emprunter le plus rapide des Destriers de vos Royales Ecuries, celui qui file comme le vent ! Je dois quitter Bagdad au plus vite, je dois fuir loin, très loin...
Jusqu'à Samarra !

Ici : interlude topographique.

Il y a une centaine de kilomètres de Bagdad à Samarra, d'après GoogleMaps, ce qui peut ne pas paraître le bout du monde, même sans autoroute.
Mais c'est énorme s'il on veut galoper toute le nuit et arriver le lendemain matin.

Certains, trouvant peut-être la distance peu spectaculaire, changèrent Samarra en Samarcande, ou Samarkhand, ce qui est effectivement beaucoup plus loin, environ 2000 km, et plus romantique, mais à mon avis pas raisonnable.

Après ces quelques précisions géographiques, nous pouvons poursuivre l'histoire.

Le Sultan est étonné et quelque peu froissé d'être interrompu si grossièrement dans ses méditations.
"Quelle mouche te pique, ô preux chevalier ? s'exclame-t-il. La sueur de l'angoisse perle sur ton front, et la panique luit en ta prunelle : pourquoi tant de hâte ?
- C'est que tout-à-l'heure, au Bazar, j'ai croisé la Mort.
- Et alors ?
- Et alors elle m'a regardé de travers. Elle m'a fixé d'un regard sinistre. En bref, je lui ai tapé dans l'oeil, voila pourquoi je dois disparaître sur l'heure, pour échapper à sa sollicitude.
- C'est bon, dit le Sultan à contrecoeur, tu es mon meilleur chevalier, et tu as toujours été courageux et loyal. Je vais satisfaire ton caprice, tu peux prendre mon cheval préféré, et je gage que tu le ramèneras en bonne santé une fois cette lubie passée..."
Sans un mot, le chevalier se lève, tourne les talons et détale.
Cette nouvelle insolence finit d'incommoder et d'intriguer le Sultan.


Après quelques instants de réflexion, il appelle sa vieille copine la Mort.
Elle vient sans tarder, comme disait La Fontaine.
"Cher Sultan, que puis-je pour votre service ? S'enquiert la Mort aimablement.
- La Mort, répond le Sultan d'un ton sec, tu m'agréerais en t'abstenant d'effrayer mes chevaliers. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Il paraît que tu t'amuses à jeter des regards menaçants aux passants dans le bazar, et maintenant j'ai perdu l'un de mes meilleurs hommes, qui a fui terrorisé, et en plus sur le dos d'un cheval auquel je tiens beaucoup. J'ai déjà assez de mal à m'assurer de la loyauté de ma garde rapprochée, sans que tu te livres à ce genre de facétie !

La Mort aurait froncé les sourcils si elle en avait eus, tâchant de comprendre ce qui avait pu motiver cette amère diatribe. Soudain ça lui revient.
"Mais voyons, s'écrie la Mort, j'ai bien croisé l'un de tes chevaliers au bazar, mais je n'ai pas du tout tenté de l'effrayer ! J'ai juste eu un geste de surprise, en le voyant se promener tranquillement ici, à Bagdad, alors que j'ai rendez-vous avec lui demain matin, très loin d'ici...
A Samarra....

Ici : appel à témoins
Comme vous vous en doutez l'histoire est ici racontée à ma manière, manière quelque peu désinvolte, je l'admets.
J'ai lu pour la première fois cette histoire dans mon jeune âge, en exergue d'un roman français, écrit par une femme, il me semble. Mais ce n'est pas sûr. Cela m'avait beaucoup impressionnée, et je l'ai racontée d'innombrables fois, but for the life of me je ne parviens pas à retrouver ce texte.

J'ai bien demandé à Google, qui m'a répondu que Rendez-vous à Samarra est un roman de John O'Hara, inspiré de l'histoire telle qu'elle est racontée dans une pièce de théâtre de Somerset Maugham, Sheppey, de 1933. Dans cette version c'est la Mort qui raconte l'histoire dont les protagonistes sont un marchand et son serviteur.

Les origines les plus crédibles sont celles d'un recueil de contes soufis du IXème siècle, d'un certain Fudail Ibn Ayad. L'ouvrage s'appelle Hikayat-I-Naqshia,  qui est traduit par "Récits conçus avec une intention". Aujourd'hui on dirait probablement "histoires édifiantes". Comme les fables de La Fontaine, finalement.

Ce conte fut à son tour publié sous le nom de Quand la mort vint à Bagdad dans un recueil de contes soufis de Idries Shah, traduits en anglais en 1967, Tales of the Dervishes. Il est ici question du disciple d'un sage soufi qui après avoir rencontré la mort, voyage au grand galop pendant un mois jusqu'à Samarcande.

Mais bon tout ça ne nous dit pas où notre ami Somerset Maugham a trouvé l'histoire, ni où je l'ai lue, car entre le IXème siècle et 1967, il y a comme un gap de plus de 1000 ans.

Au passage j'apprends que le patron de Bagdad à l'époque n'était pas sultan mais calife. Seulement en France, si on se met à parler de calife et de vizir, ça ne fait pas sérieux, c'est à cause d'Iznogood...

En tous cas si quelqu'un peut éclairer ma lanterne, qu'il se manifeste, pliz...

lundi 7 mars 2011

Grandes Sambas : Pé do meu Samba

En l'honneur du carnaval, une samba-canção, un classique instantané de 2002.
Letra e música : Caetano Veloso

Dez na maneira e no tom
Você é o cheiro bom
Da madeira do meu violão
Você é a festa da Penha,
A feira de São Cristovão,
É a Pedra do Sal
Você é a Intrépida Trupe
A Lona de Guadalupe
Você é o Leme e o Pontal

Nunca me deixa na mão
Você é a canção que consigo
Escrever afinal
Você é o Buraco Quente
A Casa da Mãe Joana
É a Vila Isabel,
Você é o Largo do Estácio,
Curva de Copacabana
Tudo que o Rio me deu

Pé do meu samba
Chão do meu terreiro
Mão do meu carinho
Glória em meu outeiro
Tudo para o coração
De um Brasileiro

Caetano a composé ce morceau pour Mart'Nalia.

mercredi 2 mars 2011

Romain Gary III : emplettes

J'ai visité l'exposition Romain Gary du Musée des Lettres et Manuscrits, que j'ai découverte par hasard lors de mes recherches au sujet de Shatan Bogat, pour mon article précédent.

Le Musée n'a pas un an puisqu'il a ouvert le 15 avril 2010, dans la noble demeure des éditions Rombaldi, sur le boulevard Saint-Germain. Au passage, j'ai découvert que l'ancienne Librairie Julliard était devenue Chapitre.com, intéressant.

Les manuscrits de Romain Gary sont venus en voisins, puisqu'il habitait rue du Bac.

Moi qui suis une maniaque du questionnaire de Proust (en partie à  cause de Vanity Fair), j'ai passé un long moment à déchiffrer les réponses de Gary à ce questionnaire.
A la question : "Quelles sont vos héroïnes préférées ?" Il répond : "Toutes les femmes."
"Votre fleur préférée ? - La femme.
Votre oiseau préféré ? - La femme.
La qualité que vous préférez chez vos amis ? - Je n'ai pas d'amis."
Ouch.
Il aurait pu répondre : Leurs femmes. Ou bien : La complaisance...

Romain Gary, ou en tous cas l'idée qu'il se faisait de Romain Gary, n'avait pas d'amis. Il n'avait que des femmes et des maîtresses.

Pas étonnant qu'au-delà de cette limite, lorsque son ticket ne fut plus valable, il ne tarda pas à mettre fin à ses jours, comme il l'avait plus ou moins annoncé dans La nuit sera calme.
A l'époque il n'y avait pas de viagra. Eût-il existé, nous aurions peut-être eu encore bien d'autres livres.
C'est bien la première fois que je me prends à regretter que le viagra n'ait pas été inventé plus tôt...

Je n'en dirai pas plus sur ce que j'ai vu dans cette exposition, dommage, c'est demain le dernier jour, et je me suis laissé dire que Diego n'était pas commode avec les droits d'auteur. Sachez seulement qu'il y a des inédits, et qu'ils le resteront encore longtemps...

En attendant je me suis rabattue sur la boutique, où je fus bien aise de trouver la biographie américaine dont j'ai découvert récemment l'existence, en plus d'une foule de nouveaux ouvrages pour ma collection. Voici donc un complément de bibliographie pour les obsédés comme moi...