mardi 25 mars 2008

Rio dingue de la dengue

Samedi dernier une dépêche de Reuters annonçait que le Brésil allait envoyer l'armée fédérale pour lutter contre l'épidémie de dengue à Rio. Huuu... Exagerator, pensai-je à part moi, tandis qu'une amie brésilienne perplexe se demandait si l'armée comptait mitrailler les moustiques à l'arme lourde...
Rio a répertorié cet été 30.000 cas, dont une cinquantaine de morts, ce qui pour une population de dix millions d'habitants n'est pas apocalyptique. Je vous épargnerai la comparaison avec les balles perdues et les accidents de la route. Seulement, le chétif insecte ne fait pas ou peu de différence entre les classes sociales (un peu quand même, il y a plus d'eaux stagnantes dans les quartiers pauvres) et donc les bourgeois qui lisent le journal se sentent concernés, et même cernés. Du coup les journalistes en rajoutent un petit peu.

Je vous présente Aedes Aegypti, votre ami le moustique à rayures, dit aussi le tigre blanc. Vecteur de la dengue et du désormais célèbre chikungunya, il est aussi vecteur de la fièvre jaune. Mais pas du paludisme, c'est un autre, on peut pas être partout.
J'ai essayé de regarder les moustiques qui m'entourent de plus près, pour voir s'ils étaient zébrés, mais je n'ai rien vu car ils sont trop petits et rapides. Le froid et la sécheresse ralentissent le métabolisme des moustiques. Donc le sticmou que vous pouvez occire d'un coup de pantoufle nonchalant en Normandie par 17°, ici, avec 32° et 94% d'humidité, oubliez cette idée, le temps que votre cerveau communique avec la main qui tient la tatane, il est déjà loin.
Comment savoir si la sale bête qui vient de transformer mes chevilles en scarlatine en était ? Simple : attendre quatre jours (temps d'incubation moyen de la dengue). Voir si j'ai quarante de fiêvre (je vous tiendrai au courant).

Mais prenons un peu de hauteur. Voici la carte de la progression de l'endémie entre 1996 et 2001. C'est malin me direz-vous, quel est le con qui a laissé Aedes prospérer dans tout le continent ? Et que fait l'OMS ? Elle recommande que des mesures soient prises par les pouvoirs publics pour limiter l'infestation. Certes.
La revue Veja Rio de cette semaine nous raconte que la lutte contre le maldito mosquito remonte au début du XXème siècle, lorsque le fameux professeur Oswaldo Cruz créa le Service de Profilaxie Spécifique de la Fièvre Jaune, qui élimina en effet la fièvre jaune urbaine au Brésil. Aedes fut entièrement éradiqué dans les années cinquante par un effort international coordonné par l'Organisation Panaméricaine de la Santé. Par traité tous ses membres s'étaient engagés à prendre une série de mesures pour prévenir le retour de la bestiole, mais certains pays, comme les Etats-Unis, Cuba et le Vénézuéla (admirez au passage le choix des coupables) négligèrent d'assurer le suivi nécessaire. Aujourd'hui avec l'accroissement et la densification de la population il est devenu impossible d'avoir recours à des moyens ingénus comme les "brigadas mata-mosquitos" du bon Dr Oswaldo Cruz, qui vidaient et nettoyaient systématiquement citernes, trous d'eau et gouttières. De plus la responsabilité de la prophilaxie est passée du niveau fédéral au niveau municipal, ce qui fait que lorsqu'un maire lutte contre les moustiques, son voisin préfère se mettre le budget de la santé publique dans les fouilles, forcément ça marche moins bien. Et voilà pourquoi votre fille est muette, ou tout au moins fiévreuse...

Résurrection

Welcome back !
Mon ordinateur n'était pas tout-à-fait mort, seulement un peu dans le coma, qué susto !
Mais mon cher et fidèle informaticien, la prunelle de mes yeux, a immédiatement (et virtuellement) volé à mon secours par-delà océans, montagnes, tempêtes de neige et orages tropicaux, pour procéder à sa réanimation avec une risible facilité.
Grâces lui soient rendues ici publiquement (public réduit mais choisi).

jeudi 20 mars 2008

And That's All (for the moment) Folks !


Mon ordinateur est mort. My computer is dead. Mi ordenador esta muerto. Zut ! (Fuck ! Mierda !)
Moi je vais bien mais je préviens les trois ou quatre lecteurs qui pourraient s'inquiéter de mon manque soudain de communication...

vendredi 14 mars 2008

Colibris


Après plusieurs jours de pluie battante et continue (ce sont les eaux de mars, aguas de Março) à la première éclaircie tous les oiseaux ressortent de leurs nids, et particulièrement les colibris.
Il n'y a rien de plus magique. Ce sont des apparitions fugitives car les colibris paraissent toujours très pressés. Ils me laissent toujours bouche bée.
Que dans une ville de douze millions d'habitants on puisse avoir des colibris comme voisins et pas seulement des rats et blattes ne cesse de me remplir d'émerveillement.

Les colibris, que l'on appelle aussi oiseaux-mouche, humming-birds en anglais, sont tout petits, mais très costauds. Les muscles forment plus d'un quart de leur (certes ridicule) masse corporelle.
Leurs ailes sont attachées au corps par une articulation de l'épaule qui leur permet de tourner presque à 180° au lieu de s'agiter bêtement de haut en bas comme celles des autres oiseaux.
Les colibris battent des ailes jusqu'à 75 fois par seconde, et tout ceci leur permet de faire du sur place, de monter et descendre, de voler en arrière et sur les côtés, bref dans toutes les directions.

La vitesse de déclenchement des appareils photo permet d'"arrêter" le vol des colibris et de voir leurs ailes fixes, mais à l'oeil nu leurs ailes sont toujours floues, comme celles des insectes.
Leurs ailes battent d'avant en arrière pour se maintenir au-dessus des fleurs. Ceux qui viennent sur ma terrasse paraissent noirs mais ont des reflets métalliques verts.
Ils ressemblent plutôt à ça, et sont un bonheur pour les yeux.





dimanche 9 mars 2008

VOTEZ ! A VOTAR !

Les Français connaissent-ils vraiment les détails des différents modes de scrutin des élections municipales ? Pas vraiment.
Une petite révision de cours d'instruction civique.
Si vous trouvez que c'est compliqué, on voit que vous n'avez jamais participé aux caucus dans le Wyoming !
Appuyer sur le mode d'emploi pour l'agrandir.



En Espagne, ce dimanche, on vote pour las elecciones generales, c'est-à-dire les législatives.

Comme l'Espagne je le rappelle au cas où est une monarchie parlementaire, on n'a pas un système gaulliste-bonapartiste d'élection du chef de l'Etat au suffrage universel, ce sont les élections parlementaires qui déterminent la désignation du patron, qui est le premier ministre.
Enjeux des législatives : quatre ans de centre gauche de Zapatero de plus, ou quatre ans de néo-franquisme de Mariano Rajoy.
Résultats Espagne ; Zapatero réélu



Des électeurs aux primaires démocrates de Casper, Wyoming, ce samedi.
Avouez que ça n'a pas l'air très scientifique, comme méthode.
Je dirais même que c'est le boxon.
Bon au fait, avec tout ça Barack Obama a gagné les doigts dans le nose.

Résultats primaires démocrates

vendredi 7 mars 2008

Grandes sambas : Madureira chorou



"Madureira chorou
Madureira chorou de dor
Quando a voz do destino
Obedecendo ao divino
A sua estrela chamou
Gente modesta
Gente boa do subúrbio
Que só comete distúrbio
Se alguém os menosprezar
Aquela gente que mora na zona norte
Até hoje chora a morte da estrela do lugar
(Só eu não posso chorar) "

Attention, je vais me fendre de la traduction complète, c'est pas très long :
Madureira a pleuré
Madureira a pleuré de douleur
Quand la voix du destin
Obéïssant au divin
A appelé son étoile
Peuple modeste
Bonnes gens de la banlieue
Qui ne causent de trouble
Que si quelqu'un les méprise
Ceux qui vivent dans la zone nord
Jusqu'aujourd'hui pleurent la mort
De l'étoile du quartier
(Moi seul je ne peux pas pleurer)

Au Brésil tout le monde connaît Madureira Chorou (en France aussi, mais on va y revenir). Madureira c'est un quartier pauvre de Rio, connu pour ses écoles de samba de Portela et Império Serrano. Comme vous voyez les paroles pour un air de samba ne sont pas très joyeuses, moins qu'on puisse dire.

Mais alors, qui est la mystérieuse étoile sur laquelle Madureira pleure encore ? Madureira chorou porquê ?
Dans les années 50, il y avait dans le quartier de Madureira, en face de la gare du même nom, le Teatro de Revista Madureira, théâtre populaire de revue, avec musique, comédie légère et femmes scandaleusement exhibées en maillots une pièce.

La "belle et talentueuse actrice" (suivant les témoignages de l'époque) Zaquia Jorge menait la revue dans ce théâtre dont elle était également directrice.

Un fatidique lundi 22 avril 1957, jour de relâche du théâtre, Zaquia s'en alla se baigner à la plage de Barra da Tijuca, à l'époque sauvage et déserte, et mourut noyée.

Ellle avait 32 ans. Le Théâtre prit en hommage le nom de Teatro Zaquia Jorge, mais ferma ses portes quelques temps plus tard, faute de vedette pour sa revue.

La chanson qui lui rend un hommage posthume, connue dans sa version chantée par Jair Rodrigues, était alors interprétée par Joel de Almeida. La musique est de Carvalhinho et les paroles de Júlio Monteiro. Ce dernier n'était autre que le mari de Zaquia Jorge, ce qui explique que lui seul ne puisse pas pleurer, par excès d'affliction probablement.





Voila déjà une bien belle histoire, mais ce n'est pas tout : la chanson fut un succès du carnaval de 1958.

Des Français qui se trouvaient à Rio pour tourner l'adaption de Orfeu da Conceição dans le quartier voisin de Mangueira (Orfeu Negro, Marcel Camus, 1959) prirent goût à la chanson et la ramenèrent au pays.

De là dans des circonstances sur lesquelles même Google reste muet, il en sortit une adaptation française certes charmante mais à des années lumières de l'atmosphère et du contexte de l'original.

Voilà ce que ça donne :





Si tu vas à Rio / N'oublie pas de monter là-haut
Dans un petit village / Caché sous les fleurs sauvages
Sur le versant d'un côteau
C'est à Madureira / Tu verras les cariocas
Sortir des maisonnettes / Pour s'en aller à la fête
À la fête des sambas
Et tu verras grimpant le long des collines
Des filles à la taille fine / Avancer à petits pas
Et les fanfares / Dans ce joyeux tintamarre
Emmener le flot bizarre / Des écoles de sambas
Qui préparent le bal / Et s'en vont pour le Carnaval
Répéter la cadence / De la plus folles des danses
Celle de Madureira

Et oui, il ne reste dans la ritournelle célébrissime de Dario Moreno que l'allusion à Madureira, incompréhensible pour les Français. Je n'ai pas trouvé qui avait fait l'adaptation, qui n'est pas mal, en soi.

Version d'époque 1958 : Dario Moreno Si tu vas à Rio

lundi 3 mars 2008

Rendez-vous avec Higgs

Le LHC, Large Hadron Collider, ou Grand Collisionneur de Hadrons, est presque prêt !

Qu'est-ce que c'est ? Une (très) grosse machine. La mère de tous les accélérateurs de particules. Un tunnel souterrain circulaire très long, très froid, et très vide...

La circonférence exacte du LHC est de 26 659 m, et la machine contient un total de 9300 aimants. Tous les aimants seront prérefroidis à -193,2°C (80 K) à l’aide de 10 080 tonnes d'azote liquide, avant d'être remplis de près de 60 tonnes d'hélium liquide qui les portera à -271,3°C (1,9 K) température plus froide que l'espaâace intersidéral. Afin d'éviter que des molécules de gaz en goguette viennent troubler les expériences, l'intérieur du tunnel est aussi vide que l'espace interplanétaire, ce qu'on appelle l'ultra-vide. La pression est de 10 puissance -13 atmosphères.


Bon, une fois qu'on a ça, on lance dedans des faisceaux de protons de plomb bien lourds qui sont invités par les aimants à atteindre 99,9999991% de la vitesse de la lumière. Une fois qu'ils sont en train de faire 11 245 fois par seconde le tour de l'affaire de 27 km, on lance un autre faisceau de protons dans l'autre sens, obviously.

Le jeu produit 600 millions de collisions frontales de 14 téraélectronvolts. (Si vous ne voyez pas vraiment ce que représente un téraélectronvolt, moi non plus, je suis pas électricien...) Minuscules collisions, entendons-nous bien, moins que microscopiques, mais générant tout de même des températures, nous disent les savants, plus de 100000 fois supérieures à celles qui règnent au centre du soleil.

Ah oui my dear Maud c'est très chaud. Je remarque en passant que les Très Hautes Températures sont toujours au pluriel. Ce doit être un pluriel de Majesté, puisqu'elles règnent. Alors que chez toi, genre ce matin il faisait 2°, il y en a toujours qu'une, et en plus elle ne règne pas. Mais ne nous égarons pas.



Ces conditions quelque peu extrêmes ont pour but entre autres de reproduire la délicate ambience qui régnait (elle aussi) un milliardième de seconde après le Big Bang.

Bien sûr en divers endroits de l'anneau se trouvent des détecteurs eux-mêmes hyper-costauds, et placés à 100 mètres sous terre (ce qui ne facilite pas vraiment la maintenance) qui enregistrent les trajectoires des particules avec des précisions de l’ordre du micron.




"Les détecteurs du LHC tels qu’ATLAS ou CMS sont équipés de systèmes électroniques de déclenchement qui mesurent le temps de passage d’une particule à quelques milliardièmes de seconde près. Le système de déclenchement enregistre également la position des particules au millionième de mètre.
La rapidité et la précision de ces systèmes sont essentielles si l’on veut être certain qu’une particule enregistrée dans différentes couches du détecteur est bel et bien la même" nous explique le CERN. Ca tombe sous le sens.


Ces détecteurs vont produire environ 100 terabytes de données par seconde, nous dit le Scientific American du mois de février (je vous laisse calculer combien ça fait d'octets par an). Une première série d'ordinateurs sélectionnera 100.000 événements "prometteurs" par seconde, et balancera les données concernant les milliards d'autres.

Puis "quelques milliers d'ordinateurs", j'aime la nonchalance de ce chiffre, procèderont à une seconde sélection de 100 événements par seconde avant de garder une copie et d'envoyer l'info à un réseau (The Grid) de 7000 physiciens impatients dans 11 Instituts de recherche de par le monde.

Les principales expériences ont des noms à base d'acronymes improbables et recherchent des petites choses fascinantes :

ALICE et les Gluons
A Large Ion Collider Experiment

Mon préféré : ALICE espère à très haute température fondre les protons, les noyaux d'atomes, séparer les quarks qui sont soudés fort solidement ensemble par des particules très collantes appelées gluons, et recréer le magma quark-gluons, la "soupe primordiale" que l'on suppose à l'origine de la matière.







ATLAS et le boson de Higgs
A Toroidal LHC ApparatuS

CMS
Compact Muon Solenoid (Solénoïde compact pour muons)

ATLAS et CMS sont les deux détecteurs maousses qui prétendent par des méthodes différentes "voir" l'ineffable boson de Higgs, la matière noire, l'anti-matière et les autres dimensions de l'univers, pour autant que tout cela existe, évidemment.

LHCb
Large Hadron Collider beauty
Oui, beauty. Je cite : L’expérience explorera les différences entre matière et antimatière en étudiant un type de particule appelée « quark beauté » ou « quark b ». Le LHC recréera les instants juste après le Big Bang, pendant lesquels les paires de quarks b et d’antiquarks b auraient été produites.

TOTEM
TOTal Elastic and diffractive cross section Measurement
Comme son nom l'indique, a pour but de mesurer le diamètre d'un proton.

LHCf
Large Hadron Collider forward : Etudie les retombées des collisions pour en savoir plus sur les rayons cosmiques naturels.

Un commentaire posté sur le site du Scientific American : "I just hope they find the Higgs before I croak (I'm 83)"

Mise en service : courant 2008 si tout va bien. Combien ça coûte ? A peu près 3 milliards d'Euros. Comme quoi l'argent de vos impôts ne sert pas QUE à payer des fonctionnaires feignants...
Je vais pas vous soûler avec la physique quantique, vous n'avez qu'à lire la présentation ultra-simplifiée du CERN, mais quand on a vraiment envie d'éprouver le sentiment du meêerveilleux et de la transcscendance, je trouve que les saveurs du quark et les couleurs du gluon c'est quand même plus épatant que les miracles de Bernadette Soubiroux. Je dis ça comme ça, en passant...