lundi 15 décembre 2008

Qui êtes vous Ponzi ?


Non pas Fonzie.

Carlo Ponzi.

Carlo Ponzi est un Italien qui un beau jour de 1903, à l'âge de 21 ans, après avoir dilapidé l'argent de ses parents, quitta l'Université de Rome pour s'embarquer sur le S.S. Vancouver à destination de Boston, pour faire fortune aux Amériques. Il avait 200 dollars en poche et belle mine, mais las, la traversée est longue, et après avoir joué aux cartes avec des requins, il débarqua avec 2$50.
L'étoffe des légendes.


Mais la fortune est capricieuse, et elle ne sourit pas tout de suite. Carlo Ponzi galéra à travers tous les Etats-Unis et le Canada pendant plus de quinze ans avant de revenir à Boston, épouser sa bien-aimée et avoir une illumination. Recevant une lettre d'Espagne, d'un ami sans doute sensible à ses difficultés économiques, il remarqua que joint à la lettre était un petit papier qui sert à payer le timbre pour la réponse, un coupon-réponse international, qui existe encore de nos jours.

[Factoïde : cette merveilleuse invention est due à l'Union Postale Universelle, première organisation internationale fondée en 1874 pour uniformiser les pratiques de la poste dans le monde entier. En ce temps là la langue diplomatique était le français, c'est pourquoi dans les pays les plus incongrus on peut recevoir une lettre avec un tampon qui dit "en retour : n'habite pas à l'adresse indiquée" en français dans le texte.]

Mais bref. Ponzi se rendit à la poste et s'aperçut que la monnaie américaine étant plus forte que les monnaies européennes, le coupon-réponse acheté en Espagne pouvait s'échanger contre un timbre qui pouvait ensuite être revendu avec 230% de bénéfice (l'histoire ne dit pas si le coût du voyage du coupon depuis l'Europe était compris dans l'affaire, c'est un peu flou à ce stade).


Toujours est-il que Ponzi ouvrit une officine sous le nom prémonitoire de Securities Exchange Co. qui promettait aux investisseurs un retour de 50%, puis 100% en 90 jours. Toute la bonne société se rua sur cette bonne affaire, et Ponzi amassa en quelques mois l'équivalent actuel de 100 millions de dollars.

Mais la fortune se remit rapidement à faire la gueule : un journaliste moins benêt que les autres calcula que pour satisfaire tous les investisseurs, il faudrait importer 160 millions de coupons. Or, seulement 22000 étaient en circulation dans le monde. Ponzi s'aperçut vite lui aussi que quelque chose péchait dans la logistique de son business, et basiquement il remboursa les intérêts des premiers clients avec le capital des suivants. Un an après, il était en prison, et ce type de montage qui est vieux comme le monde et s'appelle en français escroquerie à la boule de neige ou vente pyramidale passa à être connu ever after aux Etats-Unis sous le nom de Ponzi scheme.

La perversité de ce système est qu'évidemment, au début ça marche. Mais il vaut mieux avoir son billet d'avion prêt pour le Paraguay, parce que ça ne marche pas longtemps.
En effet il nécessite une progression géométrique du nombre de clients (crédules) pour fonctionner. Mais les chiffres sont cruels : si on prend un client et qu'on le multiplie 30 fois par deux, on aboutit à 8 589 934 592, ce qui est supérieur au nombre d'habitants de la planète.

Cependant un système de Ponzi peut survivre plus longtemps si le versement des intérêts n'est pas à date fixe. Après avoir remboursé les premiers clients, une fois la confiance installée, un fonds d'investissement peut se contenter d'envoyer des relevés de comptes imaginaires, pourvu que les investisseurs ne retirent pas leur argent, ou en tous cas pas tous en même temps.

Un système de Ponzi géant a fonctionné presque trente ans en Espagne et au Portugal, avant de s'effondrer récemment en annihilant les économies de centaines de milliers de gens modestes. Ironiquement l'"investissement" portait sur des pseudo-timbres de collection.

La nouvelle vedette des finances, Bernard Madoff, ancien PDG de NASDAQ, s'il vous plaît, qui se trouve en prison après avoir fait disparaître aimablement 50 milliards de dollars, a remis le terme à la mode, un de ses anciens employés ayant rapporté qu'il avait un jour remarqué : "basically, it's just a giant Ponzi scheme". La presse internationale s'est aussitôt penchée sur ce système mystérieux alors qu'aux Etats-Unis c'est une expression courante, un terme générique.
Bien sûr, on peut se demander par les temps qui courent si le système financier international n'est pas "basically a giant Ponzi scheme".

Un certain Mitchell Zuckoff vient d'écrire une biographie de Ponzi ("Ponzi's Scheme: The True Story of a Financial Legend." bientôt un film ! et une comédie musicale !). Il tente de réhabiliter partiellement sa mémoire en montrant qu'il croyait sincèrement avoir trouvé un filon légal. Mouais, en tous cas il a dû perdre ses illusions rapidement.

Et au fait, après sa sortie de prison Ponzi refit sa vie au Brésil, terre promise des escrocs ; il mourut dans un hôpital de charité de Rio de Janeiro le 18 janvier 1949.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire