Tim Weiner gagne à être connu. Il a reçu le prix Pulitzer alors qu'il était journaliste au Philadelphia Enquirer, en 1988, pour un reportage sur les caisses noires du Pentagone, qui fut transformé en livre sous le titre Blank Check : the Pentagon's Black Budget, en 1990.
Ce succès l'a propulsé au New York Times où il a été correspondant au Mexique, en Afghanistan, au Pakistan et au Soudan, ainsi que reporter à Washington sur les questions de sécurité.
Entre deux aventures il s'est plongé dans les dizaines de milliers de documents de la CIA déclassifiés dans les années 2000, pour écrire une histoire de la CIA, intitulée A Legacy of Ashes, publiée en 2007, qui a été récompensée par le National Book Award. Il a aussi interviewé des tonnes d'agents, anciens agents et responsables de l'agence.
Cet ouvrage plus qu'excellent a été traduit en français aux éditions de Fallois, puis en poche chez Perrin dans la collection Tempus. Il a aussi été traduit en espagnol et dans 22 autres langues.
Tout le monde sait, surtout en amérique latine, que la Si-Aillé c'est que des gros méchants, mais rares sont ceux qui ont une idée de pourquoi et comment, et qui sont capables de trier la propagande et la contre-propagande. En effet, rien n'est plus propice à la fiction que l'espionnage, à part la guerre.
Tim Weiner a un angle qui lui permet de ne pas sombrer dans l'invective, tout en restant vitriolique. La question qu'il se pose est : pourquoi la CIA est-elle invariablement incompétente, depuis sa création jusqu'à nos jours ? Et il y répond bien sûr, de façon extrêmement convaincante, documentée, et terrifiante !
Grèce, Italie, Syrie, Liban, Iran, Jordanie, Indonésie, Zaïre, Cuba bien sûr, Haïti, Viet Nam, Laos, Thaïlande, Chili, Chypre, Vénézuela, Panama, Afghanistan, Nicaragua, Tchad, Irak, la description de chaque opération, chaque aventure, chaque fiasco de l'agence depuis la guerre est tellement terrible qu'on a du mal à y croire, c'est pourquoi j'ai insisté sur le sérieux de l'auteur, qui est reconnu par ses pairs. Pas la peine de s'exciter sur les théories de la conspiration, la réalité est bien plus grave, merci.
Par exemple, saviez-vous que la démocratie chrétienne italienne est une création de la CIA juste après la guerre, pour éviter que les communistes italiens ne gagnent les élections ? Moi je l'ignorais. En fait la corruption n'est pas un accident pour la démocratie chrétienne, mais elle lui est pour ainsi dire consubstantielle...
Les détails des interventions des Etats-Unis en Iran depuis les années 50 font mieux comprendre pourquoi il est aujourd'hui si facile de plonger les Iraniens dans une frénésie anti-américaine, et anti-occidentale en général.
L'appui au Jihad islamique contre le communisme athée est une idée qui remonte à Eisenhower en 1957, et qui a prospéré dans les années 80 avec des résultats désastreux plus ou moins connus.
On trouve des phrases cinglantes, comme "the war in Vietnam began with political lies based on fake intelligence." Blast ! Rien de nouveau sous le soleil de ce coté là... Comment la CIA a dissimulé ses activités, résisté à toute réforme et menti effrontément à tous les présidents successifs, ça paraît incroyable, je me répète.
Il ne faut pas croire que cette histoire ne concerne et n'intéresse que les Etazuniens. Notez la liste non-exhaustive des pays citée plus haut : c'est moi ou on dirait que la plupart ont du mal à s'en remettre ? Je ne dis pas que tout ce qui se passe dans le monde est de la faute de la CIA, je dis seulement que destabiliser un pays, corrompre son gouvernement et plus généralement faire n'importe quoi avec beaucoup d'armes, beaucoup d'argent et beaucoup d'escrocs sans scrupules, c'est rarement bon pour l'avenir.
Bref, 600 pages très denses, et très difficiles à digérer, avec 170 pages de notes, dans l'édition américaine.
Tim Weiner a remis ça en 2012 avec une histoire du FBI, non pas dans ses activités de police fédérale, mais du côté sureté de l'Etat, et renseignement intérieur. Ca s'appelle Enemies : a History of the FBI, et c'est traduit en espagnol mais pas encore en français.
La notice de Tim Weiner dans wikipedia existe en anglais, en allemand et en latin, comme les classes d'élite de nos écoles... Je vais peut-être me fendre d'une page en français, quand j'aurai le temps...
Tim Weiner a remis ça en 2012 avec une histoire du FBI, non pas dans ses activités de police fédérale, mais du côté sureté de l'Etat, et renseignement intérieur. Ca s'appelle Enemies : a History of the FBI, et c'est traduit en espagnol mais pas encore en français.
La notice de Tim Weiner dans wikipedia existe en anglais, en allemand et en latin, comme les classes d'élite de nos écoles... Je vais peut-être me fendre d'une page en français, quand j'aurai le temps...
http://en.wikipedia.org/wiki/Tim_Weiner
Critique du Figaro 19/02/2009
Critique de "Enemies" dans le New York Times 14/03/2012
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