dimanche 9 décembre 2012

Les Cosaques zaporogues écrivant une lettre au Sultan de Turquie


Les Cosaques Zaporogues sont un peuple qui combattit pour son indépendance, guerroya avec les Tatars, les Polonais, les Ottomans, les Russes, les autres Cosaques, et généralement se rendit insupportable entre 1552 et 1775, sur les rives du Dniepr inférieur, quelque part entre les actuelles Dniepropetrovsk et Nikopol, au nord de la mer d'Azov, je ne sais pas si vous situez, demandez donc à Google (ou à Gogol).


Le sultan Mehmet IV
La lettre au Sultan est de loin l'épisode le plus fameux de l'histoire de la Zaporoguie. Elle fait partie comme qui dirait des contes et légendes d'Ukraine. En 1676, alors que les Zaporogues viennent de remporter une importante victoire contre les Turcs, le sultan Mehmet IV, empereur des Ottomans, leur adresse la missive suivante, non dépourvue d'arrogance, il faut bien le reconnaître* :
"En tant que sultan, fils de Mahomet, frère du Soleil et petit-fils de la Lune, Vice-roi par la grâce de Dieu des royaumes de Macédoine, de Babylone, de Jérusalem, de Haute et Basse Égypte, Empereur des Empereurs, Souverain des Souverains, Invincible Chevalier, Gardien indéfectible jamais vaincu du Tombeau de Jésus Christ, Administrateur choisi par Dieu lui-même, Espoir et Réconfort de tous les musulmans, et très grand défendeur des chrétiens, J’ordonne, à vous les Cosaques zaporogues de vous soumettre volontairement à moi sans aucune résistance."
Signé : Sultan Mehmet IV


Les Zaporogues, ça les fait hurler de rire. Ils décident aussitôt de répondre à l'effronterie du Sultan par une lettre qui est certes fort injurieuse, mais qui, si l'on regarde bien, répond point par point à celle du Sultan.

"À Toi Satan turc, frère et compagnon du Diable maudit, serviteur de Lucifer lui-même, salut ! 
Quelle sorte de noble chevalier au diable es-tu, si tu ne sais pas tuer un hérisson avec ton cul nu ? 
Le Diable chie, et ton armée mange. 
Tu n'auras jamais, toi fils de putain, les fils du Christ sous tes ordres : ton armée ne nous fait pas peur et par la terre ou par la mer nous continuerons à nous battre contre toi. 
Toi, marmiton de Babylone, charretier de Macédoine, brasseur de bière de Jérusalem, enculeur de chèvre d'Alexandrie, porcher de Haute et Basse Égypte, truie d'Arménie, giton tartare, bourreau de Kamenetz, être infâme de Podolie, petit-fils du Diable lui-même, 
Toi, le plus grand imbécile malotru du monde et des enfers et devant notre Dieu, crétin, groin de porc, cul de jument, bâtard de boucherie, front pas baptisé, baise ta propre mère ! 
Voilà ce que les Cosaques ont à te dire, à toi sous produit d'avorton ! 
Tu n'es même pas digne d'élever nos porcs. 
Tordu es-tu de donner des ordres à de vrais chrétiens !! 
Nous n'écrivons pas la date car nous n'avons pas de calendrier, le mois est dans le ciel, l'année est dans un livre et le jour est le même ici que chez toi et pour cela tu peux nous baiser le cul !"
Signé : le Koshovyj Otaman Ivan Sirko et toute l'Armée Zaporogue


Voila qui est bien envoyé, même si l'affaire du hérisson me laisse un peu perplexe.

Le peintre russe Ilya Repine, dans un tableau géant (2m03 x 3m58) commencé en 1880 et terminé en 1891, imagine de manière plutôt baroque les Zaporogues en train d'écrire la lettre. Ivan Sirko, Otaman, c'est-à-dire chef militaire, et kharakternik, c'est à dire Chaman, des Zaporogues, celui qui fume la pipe en roulant des gros yeux, écoute ses officiers dicter la lettre en rivalisant de grossièreté. Tout le monde se marre, même le scribe a du mal à garder son sérieux, comme on le voit dans ce détail.

De fait, Repine présentait son tableau comme une étude du rire.
Le Tsar Alexandre III le lui acheta 35000 roubles, ce qui en fit le tableau russe le plus cher de son temps.
Il se trouve aujourd'hui au Musée russe de Saint-Petersbourg.

Plus tard, Guillaume Apollinaire livra aussi son interprétation de la lettre au Sultan, sous le nom de "Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople", dans le recueil de poèmes "Alcools" paru en 1913.


Plus criminel que Barrabas
Cornu comme les mauvais anges
Quel Belzébuth es-tu là-bas
Nourri d'immondice et de fange
Nous n'irons pas à tes Sabbats

Poisson pourri de Salonique
Long collier de sommeils affreux
D'yeux arrachés à coup de pique
Ta mère fit un pet foireux
Et tu naquis de sa colique

Bourreau de Podolie Amant
Des plaies et des ulcères
Groin de cochon cul de jument
Tes richesses garde-les toutes
Pour payer tes médicaments


Et c'est ainsi que l'on peut rester dans l'histoire, sans pyramide ni monument, sans même un livre, mais seulement avec une lettre, et d'injures qui plus est...



*J'ai un peu arrangé la traduction de Wikipédia

Sources : Wikipedia
http://surfacefragments.blogspot.com/2012/06/zaporozhian-cossacks-by-ilya-repin.html

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