Marilyn Manson, de son vrai nom Brian Warner (on s'en fout) n'est plus un jeune homme, il a 40 ans. Au départ c'est un type quelconque, laid et dégingandé, mais il est plutôt moins bête qu'il n'en a l'air.
Il a vendu en gros 20 millions d'albums dans le monde depuis 1994, sans compter les singles, et son treizième opus,
The High End of Low, vient de sortir.
Son fonds de commerce est la provocation, on est d'accord, alors quoi de neuf depuis Kiss, Alice Cooper et Ozzie Osbourne ? Regardons mieux.
Sans même me hasarder à commenter sa musique, que personnellement je trouve très bien, quoiqu'un peu répétitive, je me suis penchée sur son style.
Marilyn Manson est un aspirateur de tendances, de détails cools, un bureau de style à lui tout seul. Depuis le pur gothique affreux de la vidéo de
Sweet Dreams (1995), dans le style
Sepultura, jusqu'à l'incroyable tutti frutti de
This is the New Shit (2003), il a fait du chemin.
Travesti depuis toujours, il est l'héritier des véritables mods, les précurseurs des punks, qui avant de devenir des fachos bien peignés étaient des dandies, androgynes et travestis mais hétérosexuels, voire homophobes (think
Clockwork Orange).
Regardez le costume de
Rock is Dead et pensez à Ziggy Stardust, 1970-73.
Et le costard de
mOBSCENE, n'est-ce pas le Thin White Duke ? Sauf que David Bowie, lui, avait (et a toujours) vraiment un oeil en moins !
Les personnages de Marilyn Manson, comme ceux de Bowie avant lui, sont destinés aux adolescents.
J'ai vu Marilyn Manson en concert à Paris (oui oui) et j'ai été surprise par leur jeune âge. Ils ont plutôt 13-15 ans que 18-20. Certains gamins étaient chaperonnés par un de leurs parents qui tentait de faire les mots croisés du Monde dans la pénombre et le son dévastateur (il y a des parents vraiment très cools à Paris !).
A la puberté, les adolescents ont besoin de sortir de l'imagerie en sucre rose de l'enfance : Marilyn est le remède absolu contre la mièvrerie.
Autre avantage : c'est la revanche des moches. La vidéo de
Tainted Love montre une foule de gothiques déchaînés envahir et outcooler les beaux preppies blonds en veste de baseball (et se faire leurs nanas). Le fantasme ultime de l'adolescent boutonneux (qui voit l'acné sous le maquillage ?)
Mais Marilyn ratisse plus large que le mélange hard-new wave-punk-gothique. Dans Tainted Love on voit déjà des danseurs de Hip Hop, ce qui ne serait jamais venu à l'idée de Iron Maiden.
Marilyn Manson a tout récupéré : le cabaret (merci
Dita Von Teese), le porno chic, le lesbian chic, le sado-maso chic. Dans This is the New Shit (my personal favourite) il décode tout et se moque de son propre style : "everything has been said before".
Il y a même des belles pépées blondes qui boivent du champagne comme dans les vidéos de rappeurs. Mais là où les rappeurs ne font rien de leurs blondasses alanguies sur des chaises longues au bord de la piscine, Marilyn leur suce au moins les orteils... fétichisme anyone ? Toujours un peu plus loin mais jamais censurable : ai-je dit que Marilyn avait oublié d'être con ?
Pour faire monter encore la sauce, Marilyn a trouvé un allié de poids : la droite religieuse américaine. Laura Bush (ou était-ce Barbara ?) l'avait fameusement appelé "le plus grand danger pour la jeunesse américaine depuis la poliomyélite". Ce que cette phrase lui a rapporté en publicité... it's priceless.
Mais pourquoi tant de haine ?
Apologie du suicide, de la drogue, de la violence ? Rébellion ? Nihilisme ? Oui, bon, c'est du gothique, quoi. Il y en a eu d'autres avant, il y en aura d'autres après. Ce qu'une catégorie de la société américaine ne peut pas avaler, c'est le sacrilège.
Plus que sataniques, les textes (et les images !) de Marilyn sont extraordinairement, jubilatoirement blasphématoires.
Regardez les bonnes soeurs porno de
Personal Jesus ou le costume de Pape de
Jesus is a Friend of Mine...
Je soupçonne que ce genre est plus destiné directement à provoquer la droite religieuse qu'à amuser son public qui doit s'en foutre presque autant que nous de Jésus.
Alors, un danger public Manson ? La plupart des plus de trente ans n'ont probablement vu Marilyn Manson qu'une fois : dans le film
Bowling for Columbine. A la fin de l'interview, Michael Moore lui demande ce qu'il aurait à dire maintenant aux jeunes de Columbine ; Marilyn répond qu'il ne leur dirait rien du tout, il écouterait ce qu'ils ont à dire, ce que personne n'a fait.
J'ai du mal à croire que cette réponse soit spontanée. Même s'il elle est préparée à l'avance, elle est sacrément bonne, peut être la seule réponse possible...